La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ne reçoit ni ne sollicite aucune instruction d’aucune autorité. Son indépendance est garantie par le fonctionnement de son collège et son autonomie administrative et financière.
11 propositions pour permettre une meilleure application de la loi et un approfondissement du cadre d’intégrité.
L’année 2022 a été dense en échéances politiques et électorales. Comment s’y était-elle préparée et quels effets cela a-t-il eu sur l’activité de la Haute Autorité ?
Didier Migaud : Les échéances électorales majeures de l’année 2022 ont marqué fortement notre activité. La Haute Autorité, dont la raison d’être est de contribuer à garantir la probité de l’action publique, s’est adaptée afin de conseiller et contrôler les responsables publics concernés directement ou indirectement par l’élection présidentielle et les élections législatives. Notre institution a reçu plus de 10 000 déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts durant l’année, comprenant notamment celles des députés élus en juin 2022.
La mission de contrôle déontologique des mobilités, très étroitement liée aux grandes échéances politiques, a été intensément sollicitée, avec un quasi-doublement de l’activité par rapport à l’année précédente. Cette situation a constitué pour nous un véritable défi. Nous avons su le relever je crois, car ces échéances politiques avaient été anticipées.
La Haute Autorité a, en amont, mené de nombreuses actions de sensibilisation auprès de toutes les parties prenantes et mis en place une organisation spécifique pour être à même de traiter l’ensemble des dossiers dans des délais très contraints. Le collège et les services ont été fortement mobilisés. Anticipation, sensibilisation et mobilisation ont permis d’adapter notre accompagnement et nos contrôles à l’enjeu particulier de ces échéances.
L’année 2022 a été également marquée par plusieurs actualités qui ont suscité, dans le débat public, de nouvelles réflexions sur la nécessité de renforcer l’encadrement des actions d’influence menées auprès des décideurs publics. Comment se positionne la Haute Autorité dans son rôle auprès des représentants d’intérêts ?
D. M. : La loi Sapin II est entrée en vigueur il y a cinq ans et a fait de notre institution l’autorité de régulation de la représentation d’intérêts. Cette loi, en créant le répertoire des représentants d’intérêts, a constitué une réelle avancée. Elle a permis d’améliorer significativement le dispositif français de lutte contre la corruption, tout en reconnaissant et en légitimant l’activité de représentation d’intérêts dans notre pays.
Le bilan de la régulation du lobbying apparaît toutefois mitigé. Le dispositif est notamment affaibli par un cadre législatif et réglementaire trop complexe, en partie détourné de son esprit initial, ce que déplorent de nombreux acteurs du secteur, ainsi que les parlementaires, qui ont travaillé et se sont exprimés sur le sujet.
Le répertoire des représentants d’intérêts a par ailleurs connu une extension à certaines fonctions exécutives locales et à de nouveaux agents publics le 1er juillet 2022. S’il est encore trop tôt pour en tirer un bilan, nous savons qu’un accompagnement continu et renforcé des représentants d’intérêts est et sera nécessaire pour accompagner cette évolution. De façon générale, la question de l’influence exercée sur la prise de décision publique s’est imposée dans le débat public et les problématiques soulevées, qu’il s’agisse de l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques ou de celle exercée par des États étrangers, en France ou auprès des institutions européennes, nous invitent à renouveler notre conception de la représentation d’intérêts. Ces débats témoignent d’un intérêt très vif pour les conditions dans lesquelles sont prises les décisions publiques. Nous y prenons toute notre part.
La Haute Autorité est régulièrement citée en exemple au niveau européen, qu’il s’agisse du contrôle des mobilités ou de l’encadrement de la représentation d’intérêts, et plusieurs initiatives sont en cours. Quel regard portez-vous sur ces projets ?
D. M. : La Commission européenne et une majorité de parlementaires européens sont aujourd’hui favorables à la création d’un organe éthique indépendant qui soit commun aux institutions de l’Union européenne. La diversité des dispositifs d’encadrement au sein de chaque institution et les polémiques régulières touchant aux possibles conflits d’intérêts nuisent à la crédibilité des institutions européennes et à la confiance des citoyens dans leurs décideurs publics. La création d’un organe commun contribuerait à garantir l’intégrité de l’action publique au niveau européen.
La Haute Autorité est régulièrement prise en exemple dans ce cadre, au regard des missions qu’elle exerce. C’est un paradoxe, mais la France est un pays reconnu pour la qualité de ses dispositifs et institutions de prévention des atteintes à la probité, tout en ayant un fort niveau de défiance des citoyens envers les décideurs publics.
Désireuse de favoriser la réflexion sur ces enjeux au niveau européen, la Haute Autorité a initié la création en juin 2022 du « Réseau européen d’éthique publique » et le préside. Ce réseau réunit les institutions nationales d’éthique publique de 11 États membres de l’Union européenne. Son objectif est de promouvoir l’éthique et l’intégrité publiques en devenant un interlocuteur reconnu sur ces questions. Il a vocation à adopter des positions communes sur les grandes réformes envisagées, comme par exemple sur le projet de paquet anticorruption porté par la Commission.
La Haute Autorité aura dix ans en 2023. Quelles sont selon vous les pistes d’amélioration en matière de probité et de transparence pour les dix années à venir ?
D. M. : En près de dix ans, la Haute Autorité a consolidé sa place et son rôle dans la vie publique française. Elle a connu une dynamique positive en voyant son champ de compétences régulièrement étendu par le législateur, marque de confiance et de reconnaissance du travail accompli. L’institution peut être considérée aujourd’hui comme un tiers de confiance entre les décideurs publics et les citoyens. Malgré cela, un fort sentiment de défiance subsiste. Pour y répondre, la sensibilisation et la pédagogie doivent aussi être portées auprès des citoyens, pour leur rappeler l’importance des dispositifs existants et leur efficacité. Les responsables publics ont également un rôle à jouer en la matière. Les contrôles ne doivent pas être vus comme une contrainte. Ils sont un outil à la disposition des responsables publics pour donner des gages de leur probité aux citoyens, aux électeurs et aux usagers du service public, et contribuer ainsi à la restauration de la confiance dans les institutions publiques. La part des manquements constatés par la Haute Autorité à l’échelle de l’ensemble de ses contrôles est très faible. Les citoyens doivent en être conscients, même si bien sûr des améliorations restent possibles. Ainsi, la politique publique de lutte contre les atteintes à la probité et contre la corruption devrait pouvoir être mieux identifiée. Le Parlement devrait pouvoir aussi débattre chaque année des moyens qui sont consacrés à cette politique et des résultats obtenus.
Enfin, de nouveaux défis se présentent à la Haute Autorité, au regard des réflexions menées et de la dynamique dans le champ de l’éthique publique, tant au niveau national qu’européen. Les propositions que comporte ce rapport, sur l’ensemble du champ de nos missions, visent à y répondre de manière pragmatique. Le collège de la Haute Autorité, ses services et moi-même nous attachons jour après jour à œuvrer au service de la confiance entre les citoyens et leurs représentants, condition nécessaire et essentielle d’une démocratie apaisée.
Didier Migaud
Président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Nombre de membres
Budget annuel
Agents permanents au 31 décembre 2022
Agents dédiés à l'accompagnement de ces populations
Responsables publics (déclarations de patrimoine et d'intérêts)
Agents publics (mobilités professionnelles)
Déclarants ayant déposé une déclaration
Déclarations reçues
Déclarations contrôlées
Déclarations conformes aux exigences d’exhaustivité, d’exactitude et de sincérité
Déclarations modificatives demandées
Rappels aux obligations déclaratives ou appréciations
Dossiers transmis à la justice
Avis rendus (mobilités public-privé)
Avis de compatibilité
Avis de compatibilité avec réserves
Avis d'incompatibilité
Pages vues
sur hatvp.fr
Entités inscrites sur le répertoire des représentants d’intérêts au 31 décembre 2022
Actions de représentations menées au cours l’exercice déclaratif 2022
Contrôles des non-inscrits
dont 61 % ont abouti à une inscription
Contrôles des déclarations
dont 100 % ont donné lieu à des modifications
Mises en demeure de respecter ses obligations déclaratives
Contrôles clôturés
Dossiers transmis à la justice
Audition de Didier Migaud au Sénat par la commission d’enquête sur l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques
Signature d’un nouveau protocole entre la Haute Autorité et la Direction générale des finances publiques
Publication des déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts des candidats à l’élection présidentielle
Réélection de M. Emmanuel Macron à la présidence de la République française
Audition de Didier Migaud par le comité de déontologie du Sénat
Publication de la déclaration de situation patrimoniale de M. Emmanuel Macron, proclamé Président de la République, au Journal Officiel
Formation du Gouvernement de Mme Élisabeth Borne
Organisation d’un colloque dans le cadre de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, « La transparence : condition nécessaire pour renforcer la confiance des citoyens dans les institutions »
Entrée en fonctions des députés de la XVIe législature
Entrée en vigueur de l’extension du répertoire des représentants d’intérêts, notamment aux actions réalisées auprès de personnes titulaires de certaines fonctions administratives ou exécutives locales
Remaniement du Gouvernement de Mme Élisabeth Borne
Publication du bilan de l’exercice 2021 des déclarations d’activités des représentants d’intérêts
Date limite de dépôt des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts et d’activités des députés de la XVIe législature
Date limite de dépôt des déclarations de situation patrimoniale et des déclarations d’intérêts des membres du second Gouvernement de Mme Élisabeth Borne
Visite d’évaluation de l’Agence nationale d’intégrité en Moldavie
Publication des déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts de fin de fonctions des membres du Gouvernement de M. Jean Castex
Élection de la Haute Autorité à la présidence du Réseau européen d’éthique publique
Publication des déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts des membres du Gouvernement de Mme Elisabeth Borne
Pour s’approprier une culture de l’intégrité et acquérir les réflexes déontologiques adaptés, les responsables et agents publics doivent mettre en œuvre des efforts particuliers de vigilance.
L’assimilation par ces derniers, ainsi que par les représentants d’intérêts, de leurs obligations déclaratives et déontologiques requiert donc le développement, par la Haute Autorité, d’outils et de dispositifs spécifiques, en lien étroit avec les autres acteurs de l’intégrité.
Au-delà des missions de contrôle qu’elle exerce, l’accompagnement, la sensibilisation et le conseil constituent des fonctions cardinales de l’institution, qui s’inscrivent dans une démarche essentiellement préventive contribuant à sécuriser l’action publique. Pour nourrir cette mission, la Haute Autorité entretient un dialogue constant avec l’ensemble des parties prenantes, en s’attachant à diffuser son expertise et à expliquer ses missions au plus grand nombre.
Compte tenu de l’actualité politique et électorale, l’année 2022 a donné lieu à une intense activité déclarative. L’activité de contrôle a principalement porté sur les déclarations des députés et des membres du Gouvernement. Le contrôle et l’accompagnement par la Haute Autorité ont permis d’améliorer significativement la qualité des déclarations. Plusieurs membres du Gouvernement se sont vu imposer un décret de déport destiné à prévenir les risques de conflit d’intérêts ou de prise illégale d’intérêts.
Sur l’ensemble des déclarations contrôlées, la part de celles ayant fait l’objet d’une appréciation publique de la Haute Autorité sur les manquements constatés ou ayant donné lieu à une information du procureur de la République en raison de potentielles infractions pénales demeure stable, tout comme le nombre de déclarations dont le contrôle a conclu à la conformité aux exigences d’exhaustivité, d’exactitude et de sincérité.
En 2022, la Haute Autorité a également rendu publiques sur son site, sans contrôle préalable conformément à la loi, les déclarations de situation patrimoniale et les déclarations d’intérêts et d’activités des candidats à l’élection présidentielle.
L’année 2022 a été marquée par un nombre de saisines exceptionnel, près de deux fois supérieur à 2021, en raison d’une année politique riche. La Haute Autorité s’est toutefois organisée pour traiter l’ensemble dans les délais impartis et souvent bien en-deçà des délais légaux, en particulier les saisines concernant les reconversions dans le secteur privé d’anciens membres du Gouvernement et les nominations de collaborateurs du Président de la République ou de membres de cabinets ministériels ayant précédemment exercé dans le secteur privé.
La Haute Autorité rend essentiellement des avis de compatibilité, les deux tiers assortis de réserves destinées à prévenir les risques d’ordre pénal ou déontologique. Cette part, en hausse, illustre la recherche permanente pour la Haute Autorité d’un équilibre entre différents intérêts à concilier :
Les avis d’incompatibilité – adoptés lorsqu’aucune mesure de précaution ne permet de prévenir les risques identifiés – concernent principalement les projets de mobilité vers le secteur privé, exposés au risque de prise illégale d’intérêts et davantage de nature à compromettre l’indépendance et l’impartialité de l’administration.
Le bilan de l’exercice déclaratif 2021, pour les représentants d’intérêts tenus de déclarer leurs activités et leurs moyens avant le 31 mars 2022, a témoigné d’une meilleure appropriation du dispositif par les déclarants et d’une activité de lobbying plus variée et plus soutenue qu’en 2020.
S’agissant de l’activité de contrôle de la Haute Autorité, l’année 2022 a été marquée par une très forte augmentation du nombre de mises en demeure, conséquence logique des nombreuses notifications de manquement envoyées en 2021. La Haute Autorité a pour la première fois transmis au parquet huit dossiers de représentants d’intérêts pour défaut de déclarations.
2022 est également l’année de l’extension du dispositif d’encadrement de la représentation d’intérêts, aux collectivités locales notamment, entrée en vigueur le 1er juillet. La Haute Autorité a produit plusieurs ressources documentaires destinées à faciliter son appropriation par les représentants d’intérêts, dont un vade-mecum consacré à l’identification des nouveaux responsables publics auprès desquels une entrée en communication pourrait être qualifiée d’action de représentation d’intérêts. La Haute Autorité est aussi intervenue sur le sujet auprès d’associations d’élus et d’associations de représentants d’intérêts.
