Vers une harmonisation du cadre déontologique applicable à l’ensemble des responsables publics
Après la promulgation au Journal officiel de la loi n°2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, la revue Les cahiers de la fonction publique a publié dans son numéro de mai 2016 un dossier spécial : Gabriel Poifoulot, responsable des études de la Haute Autorité, revient sur l’une des principales innovations de ce texte qui étend aux agents publics les grandes orientations retenues en 2013 par les lois relatives à la transparence de la vie publique.
Conçue comme devant améliorer la mise en œuvre effective des valeurs et grands principes déontologiques qui fondent l’action publique, la loi n° 2016-483 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires est l’aboutissement d’un processus d’élaboration long de quasiment trois ans.
Alors que le projet de loi initial avait été déposé au Parlement à l’été 2013, en même temps que les projets de lois relatifs à la transparence de la vie publique[1], il n’avait jamais été discuté à l’Assemblée nationale. C’est à la suite de l’annonce faite par le Président de la République au début de l’année 2015[2], après que le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique[3] et le vice-président du Conseil d’État[4] eurent tous deux appelé à l’adoption de ce texte, que le Gouvernement a déposé une lettre rectificative le 17 juin 2015 et que le projet de loi a pu être adopté.
La loi du 20 avril 2016 modifie en profondeur le cadre déontologique applicable aux agents publics. Elle procède d’abord au renforcement de plusieurs dispositifs existants, comme celui encadrant le cumul d’activités des fonctionnaires ou le rôle de la Commission de déontologie de la fonction publique dans le contrôle du pantouflage, qui ne feront pas l’objet d’une étude approfondie dans le présent article.
L’une des principales innovations du texte consiste toutefois dans l’extension aux agents publics des grandes orientations retenues en 2013 par les lois relatives à la transparence de la vie publique. Elle élargit ainsi à de nouveaux publics les obligations déclaratives prévues par ces lois et crée un droit statutaire, pour tous les agents publics, à bénéficier de conseils déontologiques. Elle s’attache enfin à préciser le champ de compétence et l’articulation entre les institutions chargées des questions déontologiques dans le secteur public.
Une harmonisation progressive des règles applicables à l’ensemble des responsables publics
La loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires s’inscrit dans un mouvement plus large, initié par les lois du 11 octobre 2013, de transformation du « cadre national d’intégrité »[5] français. D’autre textes actuellement en cours de discussion, comme le projet de loi organique relatif à la déontologie des magistrats de l’ordre judiciaire[6] ou le projet de loi dit « Sapin 2 »[7], qui prévoit notamment la création d’un répertoire des représentants d’intérêts, sont appelés à compléter ce dispositif.
Ces différentes initiatives législatives traduisent la volonté du législateur français, au cours des dernières années, de définir des principes déontologiques applicables à tous les responsables publics (élus, agents publics, conseillers politiques, dirigeants d’organismes publics) et d’harmoniser les règles découlant de ces principes dans le respect des spécificités propres à chaque catégorie d’acteurs.
La substitution en 2013 de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique à la Commission pour la transparence financière de la vie politique avait déjà, au-delà de l’aspect sémantique, manifesté cette évolution. Par la consécration d’un socle commun de valeurs – la dignité, la probité et l’intégrité –, l’harmonisation des définitions du conflit d’intérêts et la transposition aux agents publics des modalités de prévention introduites par les lois relatives à la transparence de la vie publique, la loi du 20 avril 2016 confirme cette ambition générale.
_ Les valeurs
L’article 1er de la loi du 20 avril 2016 inscrit pour la première fois dans le statut général de la fonction publique les principes déontologiques auxquels tout agent public doit se conformer, quels que soient la fonction publique à laquelle il appartient, les missions qui lui sont dévolues et son niveau hiérarchique. Cette consécration de principes déontologiques communs, au-delà des différences entre les trois versants de la fonction publique et, plus généralement, entre les différentes catégories de responsables publics, traduit dans la loi l’idée d’une déontologie « des fonctions publiques » [8] applicable à tous les fonctionnaires.
Cette disposition constitue par ailleurs une reprise de celle prévue à l’article 1er de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013, en vertu de laquelle les « personnes chargées d’une mission de service public », catégorie incluant naturellement les fonctionnaires, exercent leur fonction avec « dignité, intégrité et probité ». La loi du 20 avril 2016 ajoute à cette liste l’exigence d’impartialité qui ne figurait pas dans la loi du 11 octobre 2013, probablement en raison de son applicabilité à des fonctions électives pour lesquelles l’idée d’impartialité se justifie moins que pour un agent public.
_ L’unicité de la définition des conflits d’intérêts
La loi n° 2016-483 créé en outre une nouvelle obligation à l’endroit des fonctionnaires, celle de prévenir ou faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts[9].
Longtemps renvoyée à la doctrine[10], la définition de la notion de conflit d’intérêts a fait l’objet de nombreux travaux du Conseil de l’Europe et de l’OCDE[11] dès le début des années 2000, prolongés en France par les propositions de la Commission de prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée en janvier 2011 par le vice-président du Conseil d’État. La loi du 11 octobre 2013 a consacré ces travaux au plan législatif en disposant que « constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction »[12].
La loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires reprend cette définition à l’identique[13]. Une multiplication des définitions dans différentes lois sectorielles aurait en effet pu contribuer à susciter des divergences de jurisprudence et la décision du législateur constitue un gage de sécurité juridique.
_ L’harmonisation des mécanismes de prévention dans le respect des spécificités de la fonction publique
Les moyens retenus par la loi déontologie pour prévenir et faire cesser les conflits d’intérêts s’inspirent dans une large mesure de ceux introduits par les lois relatives à la transparence de la vie publique. Ils se fondent sur les mêmes principes : la mise en œuvre d’une certaine publicité des intérêts et la systématisation de règles de déport, selon des modalités de mise en œuvre toutefois adaptées aux spécificités de la fonction publique.
Ainsi, la publication des déclarations d’intérêts n’étant pas envisageable pour des agents publics[14], les intérêts de l’agent sont simplement portés à la connaissance de son supérieur hiérarchique, afin que ce dernier puisse en tenir compte dans la gestion du service et aménager, le cas échéant, des modalités de déport. Adaptées par le législateur aux contraintes inhérentes au fonctionnement quotidien de l’administration, ces règles de déport prévoient l’abstention d’usage des éventuelles délégations de signature, l’abstention de délibération et/ou de participation à une instance collégiale ou encore le recours à la suppléance sans possibilité de transmettre des instructions[15].
L’élargissement des obligations déclaratives prévues par les lois relatives à la transparence de la vie publique à de nouvelles catégories de responsables publics
_ Des obligations déclaratives proportionnées aux responsabilités de chaque agent public
La Commission de réflexion sur la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique a rappelé, en 2011, l’avantage que représente la nature même de la fonction publique française, en soulignant que « l’existence d’une fonction publique de carrière, recrutée essentiellement par concours, constitue pour l’administration une protection « structurelle » contre les risques de conflits entre l’intérêt public et les intérêts personnels »[16].
Ces modalités de recrutement des agents publics parviennent en effet à attester de la qualité d’un candidat au moment de son recrutement, à éviter les risques de patronage et à préserver des tentations les plus élémentaires. Elles n’ont toutefois ni pour objet ni pour effet de prémunir les agents publics contre l’ensemble des risques déontologiques qu’ils rencontrent tout au long de leur carrière et ne dispensent donc en rien la fonction publique de se doter d’une « stratégie globale de prévention des conflits d’intérêts »[17].
Le déploiement de ce dispositif global passe nécessairement, au-delà du rappel aux responsabilités de chacun (référence au socle déontologique commun, rôle reconnu du chef de service), par la mise en place d’obligations déclaratives. En la matière, les lois relatives à la transparence de la vie publique avaient fait le choix de centrer leur approche sur les personnes particulièrement exposées aux risques déontologiques[18], à la différence de l’exhaustivité souhaitée dans d’autres pays[19].
Cette approche ciblée est confirmée par la loi déontologie, qui la décline au sein de la fonction publique. Elle cible des publics particuliers, exposés à des risques spécifiques dont la prévention repose sur la mobilisation d’instruments inspirés de ceux institués par les lois relatives à la transparence de la vie publique : déclaration d’intérêts, déclaration de situation patrimoniale et recours obligatoire à la gestion du patrimoine par un tiers, selon la technique du mandat.
Ces trois instruments[20] poursuivent des finalités distinctes mais complémentaires. Les déclarations d’intérêts, orientées vers la prévention des conflits d’intérêts, constituent le moyen privilégié d’amener les déclarants à s’interroger sur les intérêts qu’ils détiennent et leur influence éventuelle sur les décisions qu’ils sont amenés à prendre. Les déclarations de situation patrimoniale visent pour leur part à prévenir tout enrichissement illicite, tandis que la gestion sans droit de regard des instruments financiers détenus doit enfin prévenir toute influence sur les décisions que prennent les agents publics intervenant à haut niveau dans le domaine économique, en les protégeant par exemple de risques pénaux comme le délit d’initié.
La loi déontologie institue ainsi un dispositif de contrôle gradué selon le type et le degré d’exposition aux risques déontologique et pénal, évalués selon les critères de la position hiérarchique occupée, de la nature des fonctions exercées et de leur incidence économique ou financière.
La loi distingue sur le fondement de ces critères trois catégories d’emplois civils et militaires, déterminés par autant de décrets en Conseil d’État. À mesure que le risque s’élève, la contrainte de l’obligation déclarative se renforce. Ainsi les effectifs des fonctionnaires astreints respectivement à la transmission d’une déclaration d’intérêts préalable à leur nomination, au renseignement d’une déclaration de situation patrimoniale[21] et au recours à un mandat de gestion devraient être décroissants, selon une logique s’apparentant à celle d’un entonnoir.
Les débats parlementaires ont permis de préciser l’ordre de grandeur du nombre d’agents tenus de déclarer leurs intérêts : il devrait être plus élevé que celui défini par le décret n° 2012-601 du 30 avril 2012 relatif aux modalités de nominations équilibrées dans la fonction publique, qui concerne environ 5000 personnes[22]. Les déclarations de situation patrimoniale concerneront quant à elles « quelques centaines d’agents publics »[23].
La progressivité de cette approche est illustrée en partie par le régime désormais applicable aux membres des juridictions administratives et financières. Ainsi tous les membres du Conseil d’État et l’ensemble des magistrats des tribunaux administratifs (TA) et des cours administratives d’appel (CAA) sont astreints à remettre une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts à leur autorité hiérarchique, tandis que seuls le vice-président et les présidents de section du Conseil d’État ainsi que les présidents des TA et des CAA doivent adresser une déclaration de situation patrimoniale[24] au président de la Haute Autorité. Une architecture semblable s’applique aux membres des juridictions financières[25].
Les modalités de contrôle de ces trois instruments sont également différentes : celui des déclarations d’intérêts appartient en premier lieu au chef de service, qui en est le destinataire principal, la Haute Autorité n’ayant vocation à intervenir qu’en cas de doute de l’autorité hiérarchique. À l’inverse, la Haute Autorité se voit reconnaître par la loi déontologie le monopole du contrôle des déclarations de situation patrimoniale des agents publics, selon les mêmes modalités que celles mises en œuvre pour les déclarations reçues sur le fondement des lois relatives à la transparence de la vie publique[26]. Quant au contrôle des mandats de gestion, le décret d’application de la loi n° 2016-483 devra préciser si le régime applicable est celui auquel sont astreints les membres du Gouvernement – qui placent l’intégralité de leurs instruments financiers sous mandats – ou celui des membres des autorités administratives indépendantes – qui ne placent sous mandat que les instruments relevant du champ d’activité de leur institution[27].
_ Un élargissement aux collaborateurs des exécutifs des principales collectivités locales
La loi du 20 avril 2016 modifie également l’article 11 de la loi n° 2013-907 en étendant aux principaux collaborateurs des exécutifs locaux[28] – directeurs, directeurs adjoint et chefs de cabinet – le champ des personnes assujetties aux obligations de déclaration d’intérêts et de situation patrimoniale[29].
La loi déontologie confirme par là même le principe poursuivi à l’échelon national par les lois relatives à la transparence de la vie publique, selon lequel les proches collaborateurs d’un décideur public doivent être soumis aux mêmes règles déontologiques que la personne qu’ils conseillent, logique déjà appliquée aux Président de la République, membres du Gouvernement, présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Cet élargissement aux collaborateurs des autorités politiques locales va également dans le sens des recommandations émises en 2011 par la Commission de prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique. Repris par le projet de loi Sauvadet déposé en 2011[30] au Parlement mais jamais adopté, il n’avait pas été retenu par les lois relatives à la transparence de la vie publique lors de leur adoption à l’automne 2013.
Un nouveau droit statutaire à bénéficier de conseils déontologiques
Corrélativement à l’affirmation des principes déontologiques de la fonction publique, la loi n° 2016-483 créé un nouveau droit statutaire pour les fonctionnaires: celui de bénéficier de conseils sur les questions déontologiques. Est ainsi inséré à la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires un article 28 bis disposant que « Tout fonctionnaire a le droit de consulter un référent déontologue, chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des obligations et des principes déontologiques (…). Cette fonction de conseil s’exerce sans préjudice de la responsabilité et des prérogatives du chef de service. »
Cette innovation, conforme aux recommandations du rapport Pêcheur sur la fonction publique[31], répond notamment au constat dressé récemment par le vice-président du Conseil d’État, qui regrettait que le droit français « ne comporte pas assez de règles souples pratiques pour orienter en amont le comportement des agents et guider l’appréciation de leur hiérarchie »[32].
Sur ce point, la loi du 20 avril 2016 développe une approche subsidiaire pour la délivrance de conseils déontologiques, comme le recommandait notamment le Conseil d’Etat dans son étude sur le droit souple[33] et le président de la Haute Autorité pour la transparence la vie publique lorsqu’il appelait en 2015 à la généralisation des chartes de déontologie et des référents déontologiques internes[34].
Dans ce système, le chef de service est appelé à jouer un rôle pivot, précisé par la disposition de l’article 1er de la loi selon laquelle « tout chef de service peut préciser, après avis des représentants du personnel, les principes déontologiques applicables aux agents placés sous son autorité, en les adaptant aux missions du service ». Ce rôle est complété par celui du référent déontologue que chaque administration doit instituer, selon des modalités et des critères de désignation qui seront précisés par un décret en Conseil d’État.
Pour sa part, la Haute Autorité reste compétente, en vertu de l’article 20 de la loi n° 2013-907, pour répondre aux demandes d’avis des plus hauts fonctionnaires nommés en conseil des ministres. À l’avenir, il pourrait être pertinent d’ouvrir cette saisine aux référents déontologues qui seront mis en place dans les administrations, afin de contribuer à l’échange de bonnes pratiques et préfigurer, à terme, la constitution d’un réseau des déontologues du secteur public. Comme l’a souligné la rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, Françoise Descamps-Crosnier, les référents sont en effet appelés, « en raison de leur rôle de conseil de proximité »[35], à tenir un rôle majeur dans la diffusion de la culture déontologique.
Une meilleure articulation des institutions chargées des questions déontologiques
La diffusion d’une culture déontologique est également favorisée par la délimitation de blocs de compétences plus nets et d’une coopération renforcée entre la Haute Autorité et la Commission de déontologie de la fonction publique, gage d’une plus grande efficacité dans la mise en œuvre de leurs missions respectives.
La Commission de déontologie voit ses attributions élargies et ses prérogatives renforcées par la loi n° 2016-483. Elle peut désormais rendre un avis sur les projets de textes pris en application des dispositions d’ordre déontologique du statut général de la fonction publique. La loi élargit sa mission d’appréciation de la compatibilité des projets de création ou de reprise d’entreprise, ainsi que de départ vers le secteur concurrentiel, sa saisine devenant obligatoire et ses avis s’imposant à l’agent. L’exercice de cette activité est facilité par la consécration des pouvoirs d’enquête de la Commission, qui en était jusque-là dépourvue.
La loi du 20 avril 2016 marque par ailleurs une certaine avancée en ce qui concerne l’articulation avec la Haute Autorité dans la mesure où elle attribue à cette dernière le contrôle du pantouflage des anciens ministres et exécutifs locaux ayant la qualité de fonctionnaires, qui devaient préalablement saisir également la Commission de déontologie.
La double compétence successive de la Haute Autorité et de la Commission de déontologie sur les membres de cabinets ministériels et les hauts fonctionnaires nommés en conseil des ministres a en revanche été maintenue par la loi déontologie. Ces derniers figurent en effet dans le champ des lois relatives à la transparence de la vie publique et adressent des déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale à la Haute Autorité, qui est également leur interlocuteur sur les questions déontologiques. A la différence des membres du Gouvernement et des autorités territoriales, ils doivent toutefois saisir la Commission de déontologie de la fonction publique, et non la Haute Autorité, lorsqu’ils souhaitent rejoindre le secteur concurrentiel à l’issue de leurs fonctions. La volonté manifestée par certains parlementaires, au cours de l’examen du projet de loi dit Sapin 2, de mettre un terme à cette double compétence[36] tend à montrer que le sujet de l’articulation de la Haute Autorité et de la Commission de déontologie n’est pas encore pleinement stabilisé.
La loi du 20 avril 2016 veille à minimiser le risque de divergences d’appréciations en instituant des mécanismes d’échanges d’avis et d’informations entre la Haute Autorité et la Commission de déontologie – y compris celles couvertes par le secret professionnel. La conclusion d’un protocole entre les deux institutions pourrait permettre, à terme de formaliser ces échanges.
De manière générale, certains, comme Alain Vasselle, rapporteur du texte au Sénat, ont souhaité aller plus loin au cours du débat parlementaire et engager un mouvement de rationalisation des institutions compétentes en matière de déontologie publique[37]. Proposant de fusionner à moyen terme la Haute Autorité et la Commission de déontologie, leur position faisait écho à celle de la Commission de réflexion sur la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, qui indiquait en 2011 que l’instauration d’une grande autorité unique de la déontologie de la vie publique « répondrait aux exigences d’une gestion publique et d’une organisation administrative resserrées et efficaces »[38].
Le Parlement, craignant probablement qu’une externalisation du contrôle des obligations déontologiques des agents publics à une autorité administrative indépendante ne permette pas totalement de tenir compte des spécificités de la fonction publique, a finalement préféré maintenir le système actuel. Le temps et la pratique permettront certainement d’évaluer la cohérence de cette architecture sur le long terme, condition première de sa lisibilité par les responsables publics concernés et, plus largement, par les citoyens.
Références bibliographiques :
_ « La loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires », dossier, CFP 2016, n° 366, p. 24.
_ Gabriel Poifoulot, « Probité de la vie publique : vers une harmonisation du cadre déontologique applicable à l’ensemble des responsables publics », CFP 2016, n° 366, p. 41.
[1] Loi organique n° 2013-906 et loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique.
[2] Discours du Président de la République à l’occasion des vœux aux Corps constitués et aux bureaux des Assemblées, 20 janvier 2015.
[3] Renouer la confiance publique, Rapport au Président de la République sur l’exemplarité des responsables publics, 7 janvier 2015, p.30.
[4] J.-M. Sauvé, « Les règles françaises en matière de conflits d’intérêts sont-elles satisfaisantes ? », in L’ENA hors les murs, septembre 2014, p.10.
[5] Pour reprendre le vocable traditionnel de l’OCDE sur ces questions. Voir par exemple l’étude publiée par l’organisation internationale le 23 avril 2009 intitulée « Towards a Sound Integrity Framework : Instruments, Processes, Structures and Conditions for Implementation ».
[6] Projet de loi organique relatif aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et aux recrutements des magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature, adopté en 1ère lecture par l’Assemblée nationale le 24 mai 2016.
[7] Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, déposé à l’Assemblée nationale le 30 mars 2016.
[8] Christian Vigouroux, Déontologie des fonctions publiques, 2ème édition, Dalloz, 2012.
[9] Article 2 de la loi n°2016-483 insérant un article 25 bis dans la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires.
[10]J. Moret-Bailly, Les conflits d’intérêts, LGDJ, Lextenso éditions, 2014 ; M.Mekki, « Introduction à la notion de conflits d’intérêts », in Association Henri Capitant, Les conflits d’intérêts, Journées nationales, Lyon, tome 17, Dalloz, Coll. Thèmes & commentaires, 2013, 3-30 ; JCP G, supplément du numéro 52, 26 décembre 2011, « Les mouvements du droit face aux conflits d’intérêts ».
[11] Conseil de l’Europe, Recommandation n° R (2000)10, 11 mai 2000 ; OCDE, Gérer les conflits d’intérêts dans le secteur public : mode d’emploi, 2005.
[12] Article 2 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.
[13] Les lois relatives à la transparence de la vie publique ayant apporté des modifications à la définition des conflits d’intérêts initialement retenue par les projets de loi déposés en 2013 – y compris le projet de loi déontologie des fonctionnaires – le Gouvernement a veillé, par l’intermédiaire de la lettre rectificative de juin 2015, à rétablir cette identité.
[14] Comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-676 DC du 9 octobre 2013.
[15] Article 2 de la loi n° 2016-483 insérant un article 25 bis dans la loi du 13 juillet 1983 portant statut général des fonctionnaires.
[16] Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, Rapport de la Commission de réflexion sur la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, 26 janvier 2011, p.11.
[17] Pour un renouveau démocratique, Rapport de la Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, 9 novembre 2012, p.81
[18] Membres du Gouvernement, représentants français au Parlement européen, présidents de conseils régionaux, de conseils départementaux, maires de communes de plus de 20 000 habitants, présidents d’EPCI soumis à des seuil de population et de budget, conseiller régionaux, conseillers départementaux, adjoints au maire de communes et vice-présidents d’EPCI de plus de 100 000 habitants, membres de cabinets ministériels et collaborateurs du Président de la République, du Président de l’Assemblée nationale, du Président du Sénat, membres des autorités administratives indépendantes et toute autre personnes exerçant un emploi ou des fonctions pour lesquelles elle a été nommée en conseil des ministres (art. 4 et 11 de la loi n°2013-907).
[19] De nombreux pays asiatiques et africains ont institué des déclarations annuelles pour l’ensemble de leurs fonctionnaires ; OECD (2011), Asset declarations for public officials : a tool to prevent corruption, OECD Publishing.
[20] Dont le régime juridique est précisément détaillé dans le rapport d’activité de la Haute Autorité, publié en février 2016.
[21] Dans les deux mois qui suivent leur prise de fonctions et dans les deux mois qui suivent la cessation de leurs fonctions.
[22] Voir sur ce point F. Descamp-Crosnier, Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, 1er octobre 2015, p. 119.
[23] Compte-rendu de la commission des lois du Sénat, audition de Madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, 15 décembre 2015.
[24] Idem.
[25] Selon les articles L.131.10 et L.231-4-4 du code de justice administrative ainsi que les articles L.120-12 et L.220-9 du code des juridiction financières, seuls le vice-président et les présidents de section du Conseil d’Etat, les présidents des tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le premier président, le procureur général et les présidents de chambre de la Cour des Comptes, ainsi que les présidents et les procureurs financiers de chambres régionales des comptes sont astreints à déclarer leur situation patrimoniale à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.
[26] Pour une description détaillée de ces modalités de contrôle, voir le premier rapport d’activité de la Haute Autorité, publié en février 2016 et consultable sur son site internet.
[27] Pour une présentation de ces deux régimes, voir le décret n° 2014-747 du 1er juillet 2014 relatif à la gestion des instruments financiers détenus par les membres du Gouvernement et par les présidents et membres des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes intervenant dans le domaine économique.
[28] Recensés au 2° du I de l’article 11 de la loi n°2013-907 : les maires, les présidents de collectivités locales et les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale, champ restreint aux communes et EPCI respectant des critères de population (seuil de 20 000 habitants) ou de budget (seuil de 5 millions d’euros de recettes totales de fonctionnement).
[29] Outre les conseils régionaux et départementaux, cela concerne 419 communes et 622 EPCI à la fiscalité propre.
[30] Projet de loi relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, n° 3704, déposé le 27 juillet 2011.
[31] B. Pêcheur, Rapport sur la fonction publique, octobre 2013, p.75.
[32] J.-M. Sauvé, op.cit., p.8
[33] Le droit souple, Étude annuelle du Conseil d’État, 2013, p.39.
[34] Renouer la confiance publique, op. cit. propositions 7 et 8.
[35] F. Descamps-Crosnier, op. cit., p. 74.
[36] Amendements n°1211 et 1212 au projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
[37] Cette fusion des deux autorités était notamment prévue par le projet de loi dans sa version issue du Sénat.
[38] Pour une nouvelle déontologie de la vie publique, op.cit., p.91
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