« Mieux gérer les risques pour le décideur public »

Entretien accordé par Jean-Louis Nadal à Maires de France

n°327 – septembre 2015 – Propos recueillis par Antoine BLOUET

Jean-Louis Nadal précise ce que les élus locaux peuvent attendre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) qu’il préside.

Maires de France – Les élus locaux connaissent-ils bien les règles de transparence et de déontologie auxquels ils sont soumis ?

Jean-Louis Nadal – Les règles en la matière sont encore récentes, qu’il s’agisse des lois sur la transparence entrées en vigueur en 2014 ou de la charte de l’élu local votée en mars dernier. Les élus et les décideurs ont besoin d’être mieux informés sur ces règles nouvelles qu’ils peuvent méconnaitre. Par exemple, les exécutifs locaux peuvent ignorer qu’ils doivent nous consulter lorsque, à l’issue de leur mandat, ils souhaitent commencer ou reprendre une activité dans le secteur privé. C’est pourquoi, nous serons présents au prochain congrès des maires et présidents d’intercommunalité de France pour rencontrer les élus et échanger avec eux sur ces nouvelles régulations et les bonnes pratiques à développer (1). Les élus locaux savent parfaitement que les attentes de nos concitoyens en la matière sont plus fortes que par le passé. Des initiatives se multiplient au niveau local, comme par exemple la création d’une commission d’éthique par la ville de Limoges.

Les collectivités peuvent saisir la HATVP pour lui soumettre une question de déontologie, notamment sur des questions de risque de conflit d’intérêts. Êtes-vous souvent consulté par des collectivités ou des élus locaux et sur quels sujets ?

Effectivement, nous sommes de plus en plus sollicités par des élus locaux qui font appel à notre expertise lorsqu’ils craignent de se situer dans une éventuelle zone grise, par exemple à cause d’une activité privée qu’ils exercent parallèlement à leur mandat. Notre rôle est de leur apporter un conseil de proximité de sorte qu’ils puissent exercer leur mandat public dans les meilleures conditions. Les collectivités se saisissent également de ces sujets et peuvent s’adresser à nous comme l’a faite par exemple la ville de Paris pour élaborer son code de déontologie.

Un projet de loi sur la déontologie des fonctionnaires a été présenté en conseil des ministres en juin. Êtes-vous satisfait de la façon dont il reprend certaines des propositions du rapport sur la transparence de la vie politique que vous avez remis en janvier au président de la République ? Et quelles sont les principales avancées qu’il contient concernant la fonction publique territoriale selon vous ?

Je suis heureux de voir le Gouvernement remettre sur la table un projet qui, depuis le dépôt d’une première version du texte à l’été 2013, était jusque-là resté au milieu du gué et dont la nouvelle version, discuté ce mois-ci à l’Assemblée nationale, va dans le sens des propositions que j’ai formulé dans mon rapport remis en janvier 2015 au Président de la République. C’est un signal positif, d’autant plus que les trois fonctions publiques sont concernées. Ce texte favorise le développement d’un droit souple qui s’adapte aux risques propres à chaque service ; à la différence du statut général de la fonction publique qui se concentre sur les questions disciplinaires, il fait de la déontologie un véritable outil de prévention au bénéfice des agents et des managers publics. J’espère que le débat parlementaire permettra de l’enrichir.

Votre rapport propose aussi de « créer un réseau d’interlocuteurs déontologiques dans les collectivités territoriales et les administrations » et de « généraliser les chartes de déontologie », notamment dans les communes. Qu’est-ce que les collectivités peuvent en attendre ?

J’ai fait cette proposition car je suis persuadé que c’est une bonne façon de gérer les risques déontologiques et pénaux auxquels les collectivités et leurs agents sont confrontés quotidiennement. Adopter une charte de déontologie, c’est identifier et cartographier des risques ; offrir aux élus et fonctionnaires territoriaux un cadre de référence, et éventuellement un interlocuteur de proximité pour leur fournir un conseil adapté de nature à les sécuriser. Les initiatives prises par exemple par la ville de Strasbourg ou le conseil régional de Bretagne de créer des déontologues montrent que ce type de mécanismes se développe car il y a une forte attente.

(1) L’AMF organise un point info consacré à la « prévention des conflits d’intérêts et aux obligations déontologiques de l’élu local » lors de son congrès, le 19 novembre à Paris, en présence d’un représentant de la HATVP.

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