Lettre internationale – octobre 2021
En octobre, la Médiatrice européenne a demandé à la Commission européenne des précisions sur le contrôle des reconversions professionnelles de ses agents.
L’influence étrangère en matière de représentation d’intérêts est un thème qui suscite de plus en plus d’attention, y compris des services de recherche du Parlement européen. En Tunisie, l’un des principaux partis d’opposition voit ses serveurs informatiques confisqués dans le cadre d’une enquête sur un contrat de lobbying.
Suite aux récentes révélations, dites « Pandora Papers », du Consortium international des journalistes d’investigation, les présidents chilien et équatorien et l’ancien ministre des finances néerlandais font l’objet d’enquêtes sur des transactions impliquant des paradis fiscaux. Aux États-Unis, les conflits d’intérêts liés à la détention d’actions d’entreprises par de hauts responsables publics conduisent à des enquêtes parlementaires. En Australie, le projet de création d’une commission fédérale d’intégrité fait l’objet de critiques pour son manque de moyens, alors que des affaires de corruption ont récemment ébranlé la classe politique australienne.
UNION EUROPÉENNE
La fédération européenne des syndicats et des coopératives agricoles (COPA-Cogeca) aurait engagé une intense campagne de lobbying contre la stratégie européenne « de la ferme à la fourchette », le volet agricole du Pacte vert porté par la Commission européenne. Des documents internes consultés par des journalistes du quotidien Le Monde détaillent les actions de lobbying menées par la fédération agricole pour obtenir le retrait de dispositions clés du texte (portant sur la baisse de l’utilisation de pesticides, les risques sanitaires causés par les élevages industriels ou encore les taux maximaux de sucre dans les aliments transformés). Parmi les voies d’actions de la COPA-Cogeca figurent des commandes d’études universitaires et l’organisation d’événements avec des médias européens. (Le Monde, 12 octobre 2021)
Le 19 octobre, la Médiatrice européenne, Emily O’Reilly, a demandé à la Commission la tenue d’une réunion afin d’obtenir des explications sur les autorisations que l’institution délivre à des membres de son personnel qui souhaitent se reconvertir dans le secteur privé. Ses services ont examiné une centaine de dossiers de reconversions d’agents de la Commission. En octobre, Nicholas Banasevic, ancien directeur-général de la concurrence, a ainsi rejoint un cabinet d’avocats, Gibson, Dunn & Crutcher, et fait l’objet de critiques. L’exécutif européen a affirmé avoir évalué ces projets de reconversion professionnelle et adopté les restrictions appropriées pour prévenir tout risque de conflit d’intérêts. La Médiatrice européenne souhaite également interroger la Commission sur le suivi, par ses services, du respect des conditions assortissant les décisions autorisant les reconversions dans le secteur privé. En septembre, le non-respect de la période de carence de deux ans par l’ancien commissaire à l’agriculture Phil Hogan, qui a rejoint le cabinet d’avocat DLA Piper à Bruxelles, avait fait polémique. (Le Monde, 19 octobre 2021)
Les services de recherche du Parlement européen ont publié un briefing sur l’encadrement de l’influence étrangère et du lobbying, dans le cadre de l’élargissement du registre de transparence de l’Union européenne aux intermédiaires représentant les intérêts d’États étrangers. Selon l’OCDE, seuls les États-Unis, l’Australie et le Canada possèdent actuellement des règles encadrant l’influence étrangère. Les législations américaine et australienne prévoient des dispositifs propres à l’influence étrangère, distincts des registres sur la représentation d’intérêts. Le dispositif canadien au contraire intègre directement les acteurs étrangers au sein de son registre des représentants d’intérêts, même si la création d’un registre distinct est également envisagée. Les principaux défis pour de tels dispositifs résident dans leur capacité à prendre en compte ces nouvelles formes d’influence et à délimiter ce qui relève d’intérêts commerciaux et ce qui relève d’intérêts étatiques défendus par certaines structures. (Parlement européen, 19 octobre 2021)
ZONES GÉOGRAPHIQUES
AUTRICHE
Le chancelier conservateur autrichien Sebastian Kurz, soupçonné d’avoir utilisé par le passé des fonds gouvernementaux pour s’assurer une couverture médiatique favorable, a annoncé sa démission le 9 octobre. Selon le parquet, entre 2016 et 2019, des articles élogieux et des études d’opinion partiellement manipulées auraient été publiées en échange de l’achat d’espace publicitaire par le ministère des finances, dirigé à l’époque par les conservateurs. (France 24, 9 octobre 2021)
PAYS-BAS
Le ministre sortant des Finances néerlandais, Wopke Hoekstra, est cité dans les révélations dites des « Pandora Papers » pour avoir investi en 2009 plus de 26 000 euros dans une société écran aux Îles Vierges britanniques. Il aurait revendu ces actions peu de temps avant son entrée au gouvernement en 2017. Chargé de lutter contre l’évasion fiscale dans son pays et particulièrement critique de la mauvaise gestion financière des pays du sud de l’Europe, Wopke Hoekstra s’est défendu devant les parlementaires néerlandais de tout comportement illégal. Pour devancer d’éventuelles révélations sur d’autres investissements, il a avoué avoir également placé son argent en 2015 sur l’île de Guernesey. (Franceinfo, 6 octobre 2021)
ROYAUME-UNI
Le gouvernement britannique est accusé par le site de journalisme d’investigation « openDemocracy » de mener une « guerre secrète » contre la transparence. Dans un récent rapport, le collectif affirme que l’année 2020 représente le plus mauvais bilan en matière de transparence, depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la liberté d’information en 2005. Le gouvernement britannique utiliserait un ensemble de stratégies pour empêcher la communication d’informations au public. Seulement 41 % des demandes d’accès aux documents auraient été honorées en 2020, un chiffre qui s’inscrit dans une tendance en baisse depuis la dernière décennie. Le gouvernement a répondu que cette attaque révèle une incompréhension de la loi sur la liberté d’information, que le contexte lié à l’épidémie de Covid-19 a réduit les moyens pour répondre à ces demandes d’accès aux documents et que celles-ci portaient pour la plupart sur des documents dont le caractère sensible interdisait la communication. (The Guardian, 25 octobre 2021)
SLOVAQUIE
Peter Kazimir, gouverneur de la banque centrale slovaque, et, à ce titre, membre du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE), a été inculpé pour corruption dans son pays. Les accusations de corruption sont liées à son ancien rôle de ministre des finances dans le gouvernement de l’ex-Premier ministre Robert Fico. Peter Kazimir dément ces accusations. (Les Echos, 13 octobre 2021)
VATICAN
Le procès pour délits financiers du cardinal Becciu et de ses co-prévenus, débuté fin juillet, a repris au Vatican. Démis de ses fonctions et privilèges par le souverain pontife en septembre 2020, le cardinal est mis en cause pour le coûteux achat d’un immeuble de prestige à Londres dans le cadre des activités d’investissement du Saint-Siège. L’ensemble des prévenus doivent répondre d’accusations de fraude, de détournements de fonds, d’abus de pouvoir, de blanchiment, de corruption et d’extorsion. La moitié de la somme destinée à l’achat de l’immeuble aurait été utilisée pour réaliser des placements boursiers, conduits par un homme d’affaires italo-suisse Raffaele Mincione, qui aurait également financé ses propres projets avec ces fonds. (05 octobre 2021, L’Express)
Un rapport de l’unité des enquêtes spéciales de la police révèle des faits de corruption au ministère de la Santé. Des contrats publics ont été signés par le ministère de la Santé avec la société de communication Digital Vibes, censée mettre en place des campagnes de sensibilisation dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Mais ces 9 millions d’euros auraient été dépensés de façon irrégulière et auraient permis l’enrichissement de deux proches de l’ancien ministre de la Santé, Zweli Mkhize, ainsi que de son fils. Malgré ses promesses de lutte contre la corruption au sommet de l’État, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa n’a jamais condamné publiquement le comportement de son ancien ministre. (RFI, 2 octobre 2021).
En Tunisie, les serveurs informatiques du mouvement Ennahdha ont été saisis par un juge d’instruction dans le cadre de l’enquête sur des contacts entre une société de lobbying américaine et le mouvement politique tunisien. Ce contrat, signé par le « Ennahdha Party Diaspora Group » avec la société de relations publiques Burson Cohn and Wolf en juillet 2021, pour un montant de 30 000 dollars, visait à améliorer l’image du parti à Washington. Le parti Ennahdha est accusé d’obtention de financements étrangers pour une campagne électorale et d’acceptation de fonds dont l’origine est inconnue, une infraction aux règles encadrant les campagnes électorales en Tunisie. (La Presse, 26 octobre)
Le chef de la Poste américaine, Louis Dejoy, est en proie aux critiques pour ses participations dans des entreprises liées aux services postaux américains. La Poste affirme cependant que Monsieur Dejoy a respecté les règles éthiques de l’administration postale. L’ancien cadre de XPO Logistics aurait bien rempli une déclaration financière publique dès son premier jour de travail et aurait fait l’objet d’un examen de 2 mois par les services éthiques de la Poste en début de fonctions. Face aux polémiques, Louis Dejoy avait d’abord décidé de s’abstenir de prendre toute décision relative aux entreprises le plaçant en situation de conflit d’intérêts. Il avait finalement renoncé à son portefeuille d’actions de ces sociétés, sous la pression du Congrès. Selon les règlements fédéraux, un employé fédéral ne peut détenir des actions d’une société pour un montant agrégé de plus de 15 000 dollars sans se récuser de toute décision à l’égard de celle-ci. (NBC News, 21 octobre 2021)
Le Bureau d’Ethique du Congrès américain, organe indépendant chargé d’examiner les allégations de mauvaise conduite des membres de l’institution, a indiqué avoir des raisons suffisantes de penser que quatre membres du Congrès, Jim Hadegorn, Mike Kelly, Tom Malinowski et Alex Mooney, auraient enfreint des règles éthiques dans l’utilisation de fonds publics, dans le cadre du financement de campagnes électorales, lors de leur déclaration de portefeuille d’actions ou, encore, en usant d’informations confidentielles pour un gain personnel. La commission bipartisane d’éthique de la Chambre des représentants examine désormais ces situations. Cette commission de 10 membres a le pouvoir d’adresser aux membres du congrès une injonction et de les sanctionner. (Forbes, 21 octobre 2021)
Le président chilien Sebastian Piñera fait l’objet d’une enquête à la suite des révélations dites des « Pandora Papers ». Le parquet chilien enquête sur la vente d’une compagnie minière par une entreprise détenue par les enfants de Monsieur Piñera, lors de son premier mandat (2010-2014). Ce dernier, de nouveau au pouvoir depuis 2018, a démenti tout conflit d’intérêts dans la vente de la compagnie minière Dominga à un ami proche. Selon les révélations du consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) à l’origine des Pandora Papers, , le président chilien a vendu à l’homme d’affaires Carlos Alberto Délano cette entreprise pour 152 millions de dollars, une transaction opérée aux îles Vierges britanniques, un paradis fiscal. Les paiements en trois versements étaient notamment conditionnés à ce qu’une zone de protection environnementale réclamée par des ONG ne soit pas établie sur la zone d’exploitation de la société minière. (L’Obs, 8 octobre 2021)
ÉQUATEUR
Le parquet équatorien a ouvert le 18 octobre une « enquête préliminaire » pour des soupçons de fraude fiscale contre le président Guillermo Lasso. Ce dernier est mis en cause dans les révélations dites des « Pandora Papers ». Le président équatorien contrôlait 14 sociétés offshores, la plupart situées au Panama. Monsieur Lasso a refusé de témoigner devant une commission parlementaire chargée d’enquêter sur cette affaire et affirmé qu’il s’était séparé de ces structures afin d’être candidat aux élections de 2021, alors que l’ancien président Correa avait adopté en 2017 une loi interdisant aux candidats à la présidence de posséder des sociétés siégeant dans des paradis fiscaux. (21 octobre 2021, Le Point)
La vice-première ministre de l’État d’Australie-Méridionale, Vickie Chapman, fait l’objet d’une enquête parlementaire sur des soupçons de conflits d’intérêts. Par ailleurs ministre de la planification et procureure générale, Vickie Chapman avait rejeté un projet portuaire estimé à 40 millions de dollars, au large d’une île sur laquelle sa famille possède une propriété. Cette décision a été prise contre l’avis des services de son ministère, qui soutenaient le projet. (Indaily, 12 octobre 2021)
Le projet de création d’une commission fédérale d’intégrité, qui doit être débattu au Parlement dans les semaines à venir, fait déjà l’objet de critiques d’ONG et de parlementaires en raison des faibles pouvoirs dont disposerait cette commission. Le Premier ministre avait promis la création d’une agence indépendante lors de la dernière élection mais refuse qu’elle dispose des mêmes pouvoirs que l’agence anticorruption de l’État de Nouvelle-Galles du Sud. La récente décision de cette agence d’enquêter sur la Première ministre de cet État australien avait conduit à la démission de cette dernière. La commission fédérale projetée ne disposerait ainsi pas du pouvoir d’enquêter à sa propre initiative ou de publier ses décisions. Seules les infractions pénales « les plus graves » seraient du ressort de la commission, excluant les conflits d’intérêts et les atteintes aux codes de conduite ministériels. (Sydney Morning Herald, 6 octobre 2021)
CHINE
La commission nationale anti-corruption a annoncé le 2 octobre l’ouverture d’une enquête contre l’ancien ministre de la Justice Fu Zhenghu. Cette annonce intervient dans le cadre de l’opération « mains propres », dans le cadre de laquelle plus d’un million de membres du Parti ont déjà été sanctionnés. Parmi eux, figurent de potentiels rivaux du président Xi Jinping. Fu Zhenghu avait lui-même mené une telle campagne anticorruption lorsqu’il était ministre. Il s’était fait en particulier connaître, en 2013, à l’occasion de l’enquête qui avait abouti à la condamnation à vie pour corruption et abus de pouvoir de l’ex-chef de la sécurité chinoise, Zhou Yongkang. La campagne actuelle, surnommée « campagne contre les tigres et les mouches », cible les actes de corruption de cadres du parti autant que de fonctionnaires subalternes. (RFI, 02 octobre 2021).
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