Lettre internationale – mars-avril 2024
Le mois de mars a été marqué par la 12e session du Forum mondial sur la lutte contre la corruption et sur l’intégrité organisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) les 26 et 27 mars 2024 et par la publication d’un rapport sur les « Perspectives de l’OCDE sur la lutte contre la corruption et l’intégrité 2024 ».
Au mois d’avril, l’OCDE a également publié un rapport commandé par la HATVP et intitulé « Renforcer la transparence et l’intégrité des activités d’influence étrangère en France ». Le Conseil de l’Europe, quant à lui, a rendu plusieurs rapports de conformité du cinquième cycle d’évaluation portant sur la prévention de la corruption et la promotion de l’intégrité au sein de l’exécutif et des services répressifs.
Enfin, les eurodéputés ont adopté l’accord sur l’organisme européen pour les normes éthiques renforçant le respect des règles déontologiques dans huit institutions et organes de l’Union européenne.
UNION EUROPÉENNE
Le 2 avril 2024, le registre de transparence de l’Union européenne s’est doté d’un nouveau design pour améliorer l’aspect et l’expérience utilisateur de son site internet et offrir une nouvelle interface sécurisée. La plateforme permet notamment à l’utilisateur de rechercher plus facilement les représentants d’intérêts visant à influencer la politique et la législation au sein des institutions européennes. (Commission européenne, 2 avril 2024)
Le 17 avril 2024, la Cour des comptes européenne a publié un rapport qui dénonce les « angles morts » de la transparence dans l’Union européenne. L’obligation d’enregistrement des lobbyistes pour accéder aux institutions européennes se limite, dans les faits, à des activités (réunions, auditions, conférences) organisées à l’avance et impliquant des personnels de haut rang – commissaires européens, directeurs généraux. Cela exclut donc tous les échanges informels et ceux concernant des agents de rang inférieur. Le rapport souligne le peu de mesures coercitives à disposition du secrétariat du registre pour s’assurer que les lobbyistes respectent les règles. Le cadre du registre de transparence étant un accord interinstitutionnel et non un acte législatif, il ne peut s’accompagner de sanctions en cas de non-respect des règles qu’il édicte. Malgré tout, la Cour note de récentes améliorations et souligne l’augmentation du nombre de lobbyistes enregistrés (12 500 en 2024 contre 5 500 en 2012). (Cour des comptes européenne, 17 avril 2024)
Le 10 avril 2024, les eurodéputés ont débattu des possibles ingérences russes au sein du Parlement européen, informations révélées par les services de renseignement tchèques et belges. Les élus ont demandé plus de détails sur les allégations de corruption et alerté sur le péril qui en découlerait pour les élections européennes. (Médiapart, 11 avril 2024)
Le 25 avril 2024, un accord sur le nouvel organisme européen d’éthique a été trouvé par les eurodéputés, par 301 voix pour, 216 contre et 23 abstentions. L’accord a été conclu entre le Parlement, le Conseil, la Commission, la Cour de justice, la Banque centrale européenne, la Cour des comptes européenne, le Comité économique et social européen et le Comité européen des régions. Le nouvel organisme sera chargé d’élaborer des normes minimales communes en matière de conduite éthique et publiera des rapports sur la manière dont ces règles ont été prises en compte dans les règlements intérieurs de chaque signataire. Ces nouvelles règles éthiques encadreront l’acceptation de cadeaux, d’invitations et de voyages offerts par des tiers, imposeront des mesures de conditionnalité et de transparence pour les réunions avec les représentants d’intérêts, et mettront en place des déclarations d’intérêts et de patrimoine. Les institutions participantes seront représentées chacune par un membre expérimenté et le poste de Président de l’organisme fera l’objet d’une rotation annuelle entre les institutions. Cinq experts indépendants soutiendront ses travaux et pourront être consultés par les institutions et organes participants. Les députés ont regretté que l’organe ne dispose pas de pouvoirs propres d’enquête ou de sanction et que le Conseil, qui participe pourtant à l’organe, ait décidé de ne pas appliquer les règles en son sein. (Parlement européen, 25 avril 2024)
ORGANISATIONS INTERNATIONALES
Le 21 mars 2024, le GRECO (groupe d’États contre la corruption) a publié le deuxième Rapport de conformité du cinquième cycle d’évaluation de Malte portant sur la prévention de la corruption et la promotion de l’intégrité au sein du gouvernement central (hautes fonctions de l’exécutif) et des services répressifs. Dix recommandations sont partiellement mises en œuvre et neuf ne le sont pas. Le GRECO regrette qu’il n’y ait eu aucune avancée sur l’élaboration d’une stratégie d’intégrité à destination des personnes occupant de hautes fonctions de l’exécutif. Le GRECO salue le renforcement de la capacité des organes compétents chargés de la surveillance de l’intégrité mais regrette que l’introduction de la déclaration ad hoc des conflits d’intérêts, ainsi que l’établissement de règles claires applicables aux activités parallèles exercées par les personnes occupant de hautes fonctions de l’exécutif, soient au point mort. (Conseil de l’Europe, 21 mars 2024)
Le 10 avril 2024, le GRECO a publié le deuxième Rapport de conformité du cinquième cycle d’évaluation de la France. Sur les 18 mesures préconisées en janvier 2022, il constate que seules deux ont été mises en œuvre. S’agissant des hautes fonctions de l’exécutif, le GRECO salue quelques évolutions positives comme la coopération renforcée entre l’Agence française anticorruption (AFA) et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Il recommande cependant que le contrôle préalable effectué par la HATVP sur les projets de nomination des membres des cabinets ministériels et des collaborateurs du président de la République soit étendu à l’ensemble des conseillers ; de rendre obligatoire, public et à intervalles réguliers, les échanges des personnes exerçant « de hautes fonctions » au sein de l’exécutif avec les représentants d’intérêts ; et que les déclarations de patrimoine et d’intérêts du candidat à la Présidence de la République, élu, soient soumises à un contrôle de la HATVP. (Conseil de l’Europe, 10 avril 2024)
Le 17 avril 2024, le GRECO a rendu public son deuxième Rapport de conformité du cinquième cycle d’évaluation de la Slovaquie. Il considère que sur les 21 recommandations, quatre ont été partiellement mises en œuvre et 14 ne l’ont pas du tout été. Le GRECO regrette qu’il n’y ait eu aucune avancée concernant les hautes fonctions de l’exécutif, mais salue les consultations publiques en cours pouvant aboutir à l’approbation d’un code d’éthique et à la création d’une commission d’éthique. (Conseil de l’Europe, 17 avril 2024)
Le 18 avril 2024, le GRECO a publié un rapport d’évaluation du cinquième cycle de l’Arménie. Le GRECO préconise 22 recommandations afin que l’Arménie poursuive ses efforts de prévention de la corruption à l’égard des personnes exerçant de hautes fonctions de l’exécutif et au sein de la police. Il note les mesures positives prises à la suite de la Révolution de velours de 2018 comme la mise en place d’un cadre institutionnel spécialisé de lutte contre la corruption. Le GRECO regrette qu’aucune condamnation n’ait encore été prononcée suite aux enquêtes en cours menées pour poursuivre des affaires de corruption de haut niveau et des réseaux kleptocratiques liés aux régimes précédents. Le GRECO recommande que des règles efficaces en matière de lobbying soient adoptées. (Conseil de l’Europe, 18 avril 2024)
Les 26 et 27 mars 2024, l’OCDE a organisé la 12ᵉ session du Forum mondial de lutte contre la corruption pour l’intégrité intitulé « Penser notre avenir avec intégrité ». Ce Forum organisé chaque année rassemble des centaines de représentants et experts anticorruption venus du monde entier. Cette année, le Forum a été marqué par le lancement de la première édition des « Perspectives de l’OCDE sur la lutte contre la corruption et l’intégrité », qui analyse les efforts déployés par les pays membres pour défendre l’intégrité et lutter contre la corruption. Basé sur les données des indicateurs d’intégrité publique, ce rapport analyse les performances des cadres d’intégrité des pays et explore comment certains des principaux défis auxquels les États sont confrontés aujourd’hui (notamment la transition verte, l’intelligence artificielle et l’ingérence étrangère) augmentent les risques de corruption pour les pays. (OCDE, 26 mars 2024)
Le 22 avril 2024, l’OCDE a publié le rapport « Renforcer la transparence et l’intégrité des activités d’influence étrangère en France », qui identifie des pistes d’actions concrètes adaptées au contexte français pour rendre les activités d’influence étrangère plus transparentes, décourager les tentatives d’ingérences étrangères effectuées par le biais du lobbying et veiller à ce que le contrôle des mobilités professionnelles entre les secteurs public et privé prenne mieux en compte ce risque. L’OCDE identifie notamment la nécessité de renforcer la transparence des actions d’influence étrangère par un dispositif ad hoc – un registre administré par la HATVP, distinct de l’actuel répertoire des représentants d’intérêts. (OCDE, 22 avril 2024)
RÉSEAUX
Le 25 avril 2024, le Réseau francophone d’éthique et de déontologie parlementaires (le Réseau ou RFEDP) a publié un guide recensant les bonnes pratiques en matière d’éthique et de déontologie parlementaires. Le guide se veut un outil de référence pour les parlements afin d’accompagner les institutions qui souhaitent adopter un code d’éthique ou de déontologie parlementaire ou mettre à jour leurs pratiques existantes. Le document présente une revue des cadres institutionnels et normatifs régissant l’éthique ainsi que la déontologie des institutions membres du Réseau, en plus d’aborder des notions de base relatives à l’éthique, la déontologie et les conflits d’intérêts. Le RFEDP comprend 16 membres et a pour objectif de faire connaître les normes en matière d’éthique et de déontologie dans les parlements de langue française. (RFEDP, 25 avril 2024)
ZONES GÉOGRAPHIQUES
PANAMA
Le 8 avril 2024, le procès des Panama Papers s’est ouvert pour juger vingt-sept personnes impliquées dans ce scandale d’évasion fiscale et de blanchiment révélé en 2016 par plusieurs médias internationaux. L’enquête menée par le Consortium international de journalistes d’investigation (CIJI) a révélé que des personnalités du monde entier avaient pratiqué l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent par l’intermédiaire du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca. Des chefs d’État et de gouvernement, des responsables politiques de premier plan et des personnalités des finances, des sports et du monde artistique avaient caché au fisc des propriétés, des entreprises, des capitaux et des bénéfices. Le scandale avait entraîné la fermeture du cabinet Mossack Fonseca et l’image du Panama s’en était trouvée gravement affectée. Le pays figure ainsi sur la liste noire des paradis fiscaux établie par l’Union européenne. (Le Monde, 8 avril 2024)
Le 4 avril 2024, l’ex-présidente du Parlement sud-africain a été arrêtée et mise en examen pour corruption et blanchiment d’argent à moins de deux mois d’élections générales décisives pour son parti, l’ANC (African National Congress). Mapisa-Nqakula, nommée à la tête du Parlement en 2021, a démissionné avant d’être arrêtée. Elle est accusée d’avoir perçu d’importantes sommes d’argent de la part d’un contractant militaire lorsqu’elle était ministre de la Défense (2014-2021). Les Sud-Africains sont appelés aux urnes le 29 mai 2024 pour renouveler leur Parlement, qui désignera le prochain président. Selon les enquêtes d’opinion, le parti historique risque pour la première fois de perdre la majorité absolue (Le Figaro, 4 avril 2024)
Le 15 février 2024, à quelques semaines du début des élections générales, la Cour suprême indienne a mis à jour un système de financement occulte des partis, dont la formation du Premier ministre était le principal bénéficiaire. Ce système opaque faisait disparaître l’argent sale des campagnes électorales en faisant transiter les dons par les banques, tout en masquant l’identité des donateurs. Pour les magistrats, ce dispositif « violait le droit à l’information » du milliard d’électeurs que compte l’Inde. (L’Express, 26 mars 2024)
VIETNAM
Le 21 mars 2024, le Parlement du Vietnam a approuvé la démission surprise du Président de la République Vo Van Thuong, après un seul mandat. Selon l’Agence de presse vietnamienne, le Président s’est déclaré coupable de « violations et manquements ». Sa démission survient alors que le Vietnam connaît de profonds bouleversements politiques, son prédécesseur ayant également été évincé dans le cadre d’une campagne de lutte contre la corruption, qui a vu plusieurs ministres limogés et des chefs d’entreprise de premier plan jugés pour fraude et corruption. (Le Monde, 20 mars 2024)
Le 11 avril 2024, Truong My Lan, femme d’affaires dans l’immobilier, a été condamnée à mort pour détournement de fonds par un tribunal de Hô Chi Minh-Ville. Truong My Lan, qui a fait appel de son verdict, est accusée d’avoir financé ces opérations en puisant dans la caisse de la Saïgon Commercial Bank (SCB), une banque privée qu’elle contrôlait en sous-main et qui accordait des prêts à des sociétés-écrans au mépris des lois et des règles de gestion. Les détournements de fonds portent sur l’équivalent de 11,6 milliards d’euros, soit près de 3 % du PIB du pays. Cette condamnation se fait dans un contexte de vaste campagne anticorruption appelée “Fournaise ardente” conduite par le Parti communiste. 80 accusés ont été également jugés pour un ensemble de crimes économiques. (Le Monde, 12 avril 2024)
La Rada suprême, le Parlement ukrainien, a adopté une nouvelle loi sur le lobbying, recommandée par la Commission européenne avant le début des négociations d’adhésion à l’Union européenne. Selon Denys Maslov, président du comité de politique juridique, « il s’agit de réduire la corruption et l’influence occulte des oligarques sur la gestion de l’État » et « d’introduire des règles transparentes et ouvertes encadrant l’influence sur la politique de l’État ukrainien ». La loi doit entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2025. (Bloomberg, 23 février 2024)
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