Le président de la Haute Autorité se félicite de la fusion en vue avec la Commission de déontologie de la fonction publique
Introduite par les députés de la majorité dans le projet de loi de réforme de la fonction publique, la fusion de la Commission de déontologie avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) est jugée essentielle par le président de cette autorité indépendante, le magistrat Jean-Louis Nadal. Quant à l’architecture de cette nouvelle structure, il se déclare favorable à la mise en place d’un seul collège. L’installation de deux collèges distincts “constituerait une atteinte probablement fatale au but poursuivi par la fusion”, dit-il.
Propos recueillis par Bastien Scordia
Cette proposition de fusion n’est pas une surprise. L’idée était dans l’air depuis des années. Le rapport de 2011 de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts (présidée par l’ancien vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé) préconisait déjà un tel dispositif. Aujourd’hui, la Commission de déontologie et la HATVP ont des champs de compétences, des méthodes de travail et de fonctionnement qui sont proches sur de nombreux points. La fusion avancée par les parlementaires permettra de renforcer la cohérence et la lisibilité du système de prévention des conflits d’intérêts dans la sphère publique et surtout de garantir une cohérence dans le suivi déontologique des agents publics. Ce qui est essentiel, c’est qu’il existe un continuum entre d’une part la prévention des conflits d’intérêts au moment du recrutement et au cours des fonctions et d’autre part l’appréciation portée sur la reconversion professionnelle dans le secteur privé.
Dans l’exposé des motifs de leur amendement, les députés LREM ont estimé que cette fusion permettrait une “protection efficace des agents publics dans leur déroulement de carrière”. Partagez-vous ce point de vue ?
Tout à fait. Il faut bien avoir en tête que cette fusion est dans la continuité de la réforme du cadre déontologique proposée par le gouvernement, notamment en renforçant le contrôle sur les fonctions les plus sensibles. Il faut être clair : nous n’avons rien contre le pantouflage. Nous ne sommes pas là pour chercher des poux dans la tête des fonctionnaires, mais bien pour les accompagner et les protéger tout en préservant l’intérêt général.
Les députés ont aussi estimé que cette fusion permettrait de renforcer l’indépendance du système de prévention des conflits d’intérêts, grâce au fait que la Commission de déontologie ne sera plus sous l’autorité de Matignon…
Il faut que l’institution qui sera issue de cette fusion soit pleinement indépendante. C’est primordial pour aboutir à une autorité forte et efficace.
Partagez-vous l’opinion, exprimée en commission des lois par la députée socialiste Cécile Untermaier, selon laquelle la HATVP “doit devenir la tête de réseau de la déontologie” ?
Aujourd’hui, le poids de notre autorité, sa capacité d’expertise et d’analyse sont pleinement reconnus et je vois dans la proposition de fusion avancée par les parlementaires une marque de reconnaissance et de confiance envers notre structure. Notre pays a besoin d’exigence vis-à-vis des responsables publics. Il est nécessaire d’injecter une véritable culture déontologique à tous les étages de l’administration. En ce sens, la responsabilisation accrue, prévue par le projet de loi, des administrations et de leurs référents déontologues est une excellente chose. Mais il faut former et accompagner ces référents déontologues. En discutant régulièrement avec eux, nous nous sommes aperçus qu’il existait une véritable demande de formation et de mise en réseau pour leur permettre de discuter avec leurs pairs, de bénéficier de retour d’expérience et d’un bloc de références sérieuses.
Plusieurs questions restent toujours en suspens quant à la structure qui sera issue de la fusion, et notamment concernant son architecture. Faut-il un collège unique ou 2 collèges (un pour la transparence de la vie publique qui exercerait les missions actuellement confiées à la HATVP et un autre pour la déontologie des agents publics, qui serait chargé d’exercer les missions de l’actuelle Commission de déontologie) ?
Cette question de l’architecture est essentielle. La HATVP a été constituée dans un objectif essentiel : la crédibilité, qui est désormais reconnue par le dialogue que nous avons développé avec les déclarants. Pourquoi donc réparer ce qui n’est pas cassé ? Soyons clairs, l’installation de 2 collèges distincts, dotés chacun d’un président, constituerait une atteinte probablement fatale au but poursuivi par la fusion. Cela nuirait vraiment à la lisibilité de la mission de prévention des conflits d’intérêts, à la cohérence des décisions prises et à l’efficacité du pilotage de la nouvelle institution. Aucune autre autorité administrative indépendante (AAI) ne dispose aujourd’hui de 2 collèges et de 2 présidents. Le maintien d’un collège déontologique spécifique aux agents publics donnerait l’impression d’un transfert sans réel changement d’approche dans les décisions rendues. La cohérence ne peut se faire qu’au travers de la mise en place d’un seul collège, suffisamment resserré, pour garantir l’efficacité de la fusion proposée.
Deuxième problématique : la composition des membres de ces collèges, et en particulier leur mode de désignation. Alors que la composition de la HATVP est aujourd’hui prévue par la loi (ses membres sont nommés par le président de la République après avis du Parlement), celle de la Commission de déontologie est fixée par décret…
J’ai confiance dans la suite des débats à ce sujet. Dans tous les cas, le collège de la future structure devra être suffisamment ouvert pour assurer la représentation la plus large possible du corps social.
La question des moyens attribués à la nouvelle autorité se posera aussi…
Chaque chose en son temps, mais je fais confiance au gouvernement pour donner les moyens d’amplifier le challenge que la HATVP conduit depuis 2013.
- Partager l'article
- Partager sur Facebook
- Partager sur X (ex-Twitter)
- Partager sur Linkedin
- Copier le lien