La lettre internationale de la Haute Autorité – Novembre 2020
Le mois de novembre est marqué par un certain nombre de transitions : le rejet de la corruption mène à la destitution du président péruvien par le parlement et à de vives manifestations au Guatemala. Aux États-Unis, la transition politique s’accompagne du retour de représentants d’intérêts familiers de Joe Biden.
Dans le même temps, de récents scandales semblent amorcer une réflexion sur les reconversions professionnelles des conseillers politiques en Australie, tandis qu’au Canada, la réflexion porte sur les critères de la représentation d’intérêts, en forte hausse avec la pandémie. Au Royaume-Uni, les affaires qui mettent en cause l’éthique s’accumulent dans le gouvernement de Boris Johnson.
La réforme du registre de transparence de l’Union européenne semble quant à elle avancer, ce qui serait de nature à modifier le fonctionnement des présidences futures du Conseil de l’Union européenne. La Médiatrice européenne pointe cependant l’encadrement insuffisant des sous-traitants de la Commission européenne, exposée aux conflits d’intérêts.
La vigilance reste de mise puisque comme le note Transparency International, la perception de la corruption s’est accrue en Asie.
La Médiatrice européenne a déclaré le 25 novembre que l’attribution par la Commission européenne d’une étude sur la finance durable à BlackRock comportait un risque de conflit d’intérêts, pointant du doigt les investissements significatifs du gestionnaire d’actifs dans les énergies fossiles. Emily O’Reilly a demandé à l’exécutif européen de rédiger des lignes directrices internes plus précises afin d’apprécier ou non l’existence d’un conflit d’intérêts. (The Guardian, 25 novembre 2020 , Le Monde, 25 novembre 2020)
Lors de la présidence française du Conseil de l’UE (de janvier à juin 2022), la liste des rencontres entre le représentant permanent français et les représentants d’intérêts sera publique. Par ailleurs, seules les organisations qui sont inscrites au registre de transparence de l’Union pourront obtenir un rendez-vous. La France suivra en cela une pratique informelle développée par plusieurs États membres depuis deux ans, et qui pourrait donc se retrouver dans l’accord en cours de négociation sur la réforme du registre de transparence de l’UE. (Contexte, 25 novembre 2020)
Le rapprochement entre la FAO et le lobby des pesticides inquiète scientifiques et ONG. L’agence onusienne a signé une lettre d’intention formalisant un rapprochement stratégique avec CropLife, l’association qui représente les principaux fabricants de pesticides dans le monde. Plusieurs centaines d’ONG et de scientifiques ont signé des lettres ouvertes afin que l’agence renonce à ce rapprochement, perçu comme une atteinte à la politique de réduction des pesticides dans le monde et comme un conflit d’intérêts avec le mandat de protection de la biodiversité que détient la FAO. (Le Monde, 20 novembre 2020 , Newsclick, 25 novembre 2020)
Le Financial Times révèle une copie d’un audit interne du PNUD qui décrit des anomalies financières pour plusieurs millions de dollars dans des programmes environnementaux. La fraude porterait sur le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM), organisation qui gère le financement d’actions de préservation de l’environnement à hauteur de plusieurs milliards de dollars. Le rapport du PNUD mentionne notamment des activités frauduleuses dans deux bureaux régionaux et la collusion de plusieurs responsables de programme. Les objectifs du FEM pourraient être mis en péril par l’ampleur de la fraude. (Financial Times, 30 novembre 2020)
La Fédération Internationale de Rugby a confirmé qu’un vote électronique public sera utilisé pour désigner les organisateurs des prochaines Coupes du Monde, une avancée en matière de transparence. Le scrutin public sera précédé par l’examen d’une évaluation technique fondée sur les risques, précise la fédération. (Japan Times, 25 novembre 2020, L’équipe, 24 novembre 2020)
Transparency International a publié une étude sur la divulgation d’actifs et d’intérêts, le financement politique et le lobbying dans huit pays européens, en utilisant des données en sources ouvertes. D’après Transparency International, aucun pays ne disposerait de mesures adéquates pour empêcher l’influence indue sur les décisions publiques. (Transparency International, 25 novembre 2020)
GRÈCE
La Grèce doit prendre des mesures plus strictes pour lutter contre la corruption, a estimé vendredi 27 novembre le Conseil de l’Europe, constatant qu’Athènes n’avait pas mis en œuvre ses précédentes recommandations. Il est notamment demandé à la Grèce d’incriminer également la corruption passive d’agents de la fonction publique. (Le Figaro, 27 novembre 2020, New Europe, 27 novembre 2020)
HONGRIE
La lutte contre la corruption en Hongrie ne porte pas ses fruits d’après le Conseil de l’Europe. Comme l’année dernière, le Groupe d’États contre la Corruption (Greco) considère que le pays n’a pas mis en œuvre de façon satisfaisante les recommandations visant à lutter contre la corruption au sein des systèmes législatifs et judiciaires. (Euractiv, 18 novembre 2020, Hungary Today, 18 novembre 2020)
Mairead Farrell, porte-parole du parti Sinn Fein pour les dépenses publiques et les réformes, a annoncé vouloir mieux encadrer le pantouflage. La députée irlandaise souhaite éviter les reconversions professionnelles de membres du gouvernement dans le domaine de la représentation d’intérêts. Actuellement les obligations concernant les reconversions professionnelles varient selon les charges publiques exercées : un fonctionnaire ne peut par exemple accepter un emploi qui pourrait faire naître un conflit d’intérêts sans obtenir l’accord de sa hiérarchie dans les douze mois suivant son départ de la fonction publique. La députée dénonce notamment le rôle du pantouflage dans le manque de régulation des banques en Irlande par le passé. (Irish Mirror, 23 novembre 2020)
MALTE
L’ancien directeur de l’autorité des services financiers maltaise, Joseph Cuschieri, ne reconnaît pas de conflit d’intérêts dans le cadre de l’enquête sur le meurtre de la journaliste Daphne Caruana Galizia. Précédemment à la tête de l’autorité maltaise de régulation des jeux, Cuschieri s’est fait offrir un voyage à Las Vegas par le magnat des casinos maltais Yorgen Fenech, principal suspect dans le meurtre de la journaliste. (Times of Malta, 27 novembre 2020)
ROYAUME-UNI
Le chancelier de l’Échiquier (ministre des finances) Rishi Sunak, est au cœur d’une polémique sur l’omission du patrimoine de sa femme dans sa déclaration d’intérêts financiers. Une enquête du Guardian a révélé que sa femme, Akshata Murty, fille du fondateur de a société informatique, Infosys, possède un portefeuille d’actions estimé à plusieurs millions de livres sterling, faisant d’elle une des femmes les plus riches du Royaume-Uni. (The Guardian, 27 novembre 2020)
Le conseiller de Boris Johnson sur les questions éthiques, Alex Allan, a démissionné en réaction au soutien affiché par le Premier ministre à la ministre de l’intérieur, Priti Patel. Cette dernière fait l’objet d’une enquête administrative pour harcèlement sur ses collaborateurs. S’ils enfreignent le code de conduite, les ministres sont censés démissionner. (The Financial Times, 20 novembre 2020, Libération, 20 novembre 2020)
Le maire de Johannesburg Geoff Makhubo fait l’objet d’une controverse alors que sa société aurait perçu 35 millions de rand (environ 1 902 250 euros) à travers un marché public. Des soupçons de conflits d’intérêts émergent alors que l’actuel maire présidait la commission des finances de la mairie au moment où sa société continuait à toucher des fonds publics. (Eyewitness News, 28 novembre 2020)
L’administration Trump a imposé des sanctions à un haut responsable politique libanais qu’elle accuse de jouer un rôle majeur dans la corruption du pays. La mesure vise Gebran Bassil, chef du Mouvement Patriotique Libre, un parti chrétien allié au mouvement chiite Hezbollah. (BBCNews, 6 novembre 2020, La Croix, 10 novembre 2020)
Le parquet de Rio de Janeiro a requis l’inculpation du sénateur Flavio Bolsonaro, fils aîné du président du Brésil, accusé notamment de détournement de fonds publics et de blanchiment. Le sénateur de 39 ans appartiendrait à une organisation criminelle et aurait détourné des fonds publics quand il était député régional de l’État de Rio, de 2003 à 2018. Il aurait pratiqué la « rachadinha » par laquelle des employés sont embauchés, rémunérés par l’Assemblée législative, puis reversent une partie de leur salaire à leur employeur. (Challenges, le 4 novembre 2020, Financial Times, 4 novembre 2020)
CANADA
2020 a été une année particulièrement importante en matière de représentation d’intérêts selon la commissaire au lobbying Nancy Bélanger. Les communications de lobbyistes enregistrées ont été en hausse de 33% cet été, en particulier dans le domaine de la santé. La commissaire au lobbying souhaite clarifier les règles d’enregistrement des lobbyistes en supprimant notamment le seuil « de part significative de l’activité », afin que tout employé impliqué dans du lobbying soit obligé de s’enregistrer. La distinction entre lobbyiste interne et consultant n’a plus lieu d’être selon elle. (National Post, 28 novembre 2020)
Pour la première fois de son histoire, l’Assemblée nationale du Québec a adopté un blâme à l’encontre d’un ministre pour son manque d’éthique. Le ministre Pierre Fitzgibbon a fait l’objet d’un rapport d’enquête de la commissaire à l’éthique Ariane Mignolet, pour ses liens d’amitiés et financiers avec le lobbyiste Luc Laperrière. (Radio Canada, 12 novembre 2020)
ÉTATS-UNIS
Plusieurs nominations du futur cabinet de Joe Biden ont suscité des réactions en raison de leurs liens avec des entreprises ou des représentants d’intérêts. La querelle sur la composition du cabinet est l’une des premières fissures entre les différentes ailes du parti démocrate, unies pour assurer la victoire du candidat démocrate à l’élection présidentielle. L’aile progressiste a ainsi proposé une liste de 400 noms de fonctionnaires qualifiés pour les postes et qui ne présentent pas de liens avec le secteur privé. (ABC News, 26 novembre 2020)
L’industrie du lobbying américaine n’a pas attendu la fin du décompte des votes pour faire connaître, à de potentiels clients, ses liens avec Joe Biden. Contrairement aux nouveaux représentants d’intérêts qu’avait fait émerger Donald Trump à son arrivée au pouvoir, les liens entre la communauté d’influence de Washington et l’entourage de Joe Biden sont déjà bien établis. Cela s’explique par les 36 ans de carrière en tant que représentant du Delaware et les 8 ans à la vice-présidence du futur président démocrate. (The New York Times, 17 novembre 2020, L’Opinion, 17 novembre 2020)
Alice Huffman a démissionné de son poste de présidente de la Conférence de l’État de Californie de la NAACP, l’association nationale pour la promotion des gens de couleur, principale association de défense des droits civiques. Cette démission fait suite à une controverse sur la collecte de millions de dollars auprès d’intérêts corporatifs, alors que la NAACP soutenait ces entreprises sur les mesures législatives à adopter. (Capradio, 23 novembre 2020)
GUATEMALA
Des centaines de Guatémaltèques ont de nouveau manifesté dimanche 23 novembre pour réclamer la démission du président Alejandro Giammatei. Ils l’accusent de ne pas s’attaquer à la lutte contre la pauvreté et les inégalités, dans un pays gangréné par la corruption (La Croix, 21 novembre 2020, Aljazeera, 28 novembre 2020)
Deux mois après une première tentative, le Parlement péruvien a voté lundi 9 novembre la destitution du président de la République, Martin Vizcarra, sur fond d’accusation de pots-de-vin présumés qu’il aurait reçus en tant que gouverneur en 2014. Cette démission prolonge l’instabilité du pays, qui a connu trois présidents depuis 2016. (Le Monde, 10 novembre 2020, BBCNews, 10 novembre 2020)
L’ancien maire de Casey, Sam Aziz, a reconnu avoir un conflit d’intérêts non déclaré avec un développeur immobilier, avec lequel il négociait en secret la vente de sa maison. John Woodman, le développeur en question, est au centre d’un scandale de corruption, accusé de donations et pots de vin pour s’assurer le soutien politique à ses projets fonciers dans cette ville de l’État de Victoria. (The Age, 19 novembre 2020)
La Commissaire à l’intégrité de l’État du Queensland souhaite une révision des règles sur le lobbying. Le gouvernement de cet État australien aurait accordé des entretiens hebdomadaires à plusieurs représentants d’intérêts. Ces entretiens auraient été facilités par les liens d’un ancien membre de l’équipe de campagne de la majorité en place, reconverti dans le lobbying. (ABC News, 28 novembre 2020)
MALAISIE
Le ministre des territoires fédéraux de Malaisie, Annuar Musa, est accusé par un groupe anticorruption de conflits d’intérêts. A la tête de l’entreprise de prospection foncière YWP, le ministre pourrait être en situation d’abus de pouvoir puisqu’il est en capacité de s’opposer aux aménagements urbains locaux. Le centre de lutte contre la corruption et le favoritisme demande une enquête de la commission anti-corruption malaisienne. (Free Malaysia Today, 20 novembre 2020)
NÉPAL
Transparency International pointe le caractère systémique de la corruption au Népal. D’après le dernier baromètre global de la corruption en Asie, 38% des asiatiques estiment que la corruption s’est accrue dans les douze derniers mois. 58% des népalais sont de cet avis, plus haut chiffre des 17 pays de l’enquête. (Transparency International, 24 novembre 2020)
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