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« La majorité des responsables publics sont honnêtes »

Entretien accordé par Jean-Louis Nadal au site ParisMatch.com

Publié 31 décembre 2014 – Interview Adrien Gaboulaud

Après toute une série de révélations et de scandales politiques, Jean-Louis Nadal, président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, a accepté de répondre aux questions de Paris Match pour dresser un bilan de la première année d’existence de cette nouvelle institution.

Alors qu’elle arrive au terme de sa première année d’existence, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) peut se targuer d’avoir déjà fait oublier la très discrète commission qu’elle a remplacé fin 2013, après le vote d’une loi consécutive à la tonitruante affaire Cahuzac. Les pouvoirs de contrôle de la nouvelle institution lui ont permis en 2014 de révéler plusieurs affaires concernant des ministres et des parlementaires. Et si l’on en croit un sondage YouGov paru fin octobre (PDF), 60% des Français approuvent sa création. Avant la remise prochaine d’un rapport au président de la République, le président de la HATVP, Jean-Louis Nadal, a accepté de répondre aux questions de Paris Match.

Paris Match. La Haute autorité a été à l’origine de nombreuses révélations cette année : l’affaire Thévenoud, les parlementaires qui disposaient de comptes à l’étranger, la déclaration de patrimoine incomplète de l’ex-ministre Yamina Benguigui… Cela vous satisfait-il?

Jean-Louis Nadal. Je ne ferai pas de commentaires sur des situations particulières qui ne sont pas comparables entre elles et suivent chacune leur procédure propre. De façon générale, chacun peut, je crois, mesurer les premiers effets du tournant voulu par le Parlement il y a un an grâce aux lois sur la transparence, mais la tâche est suffisamment importante pour ne pas permettre l’autosatisfaction. Je tiens à saluer le travail de nos équipes qui, en moins d’un an, nous ont permis de fonctionner de manière convenable avec des moyens contraints. En 2014, la Haute autorité a ainsi reçu plus de 20 000 déclarations provenant des 9000 personnes soumises à son contrôle; elle en déjà contrôlé plus d’un millier et rendu publiques près de 1500. Ce travail de Romain est d’ailleurs déjà identifié par nos concitoyens. Les déclarations de leurs ministres et parlementaires ont ainsi été consultées des millions de fois sur notre site Internet. Alors que c’était une première en France, cela n’a d’ailleurs pas entraîné de débordements ou de dénonciations anonymes malveillantes comme certains pouvaient le redouter.

Comment expliquez-vous que certains aient ainsi pu se «laisser prendre», alors même que vous disposez d’un pouvoir de contrôle et qu’il vous est possible de transmettre des dossiers au parquet?

A l’évidence, les lois sur la transparence de la vie publique ont constitué un saut qualitatif dans la lutte contre les atteintes à la probité publique, ce que le Conseil de l’Europe a salué récemment. Ces lois sont récentes, je crois qu’il faut se laisser un peu de temps aussi pour une pédagogie et le développement d’une culture de la prévention qui ne sont pas dans les habitudes françaises. Alors que chaque entorse grave à la probité publique nuit à la confiance publique, la première exigence, pour renforcer cette dernière, est de prévenir les manquements plutôt que d’essayer de les corriger a posteriori.

Les mésaventures de Thomas Thévenoud ont démontré que la HATVP pouvait, par son action, avoir un poids médiatique très conséquent. Comment le prenez-vous en compte?

Nous ne recherchons pas la lumière médiatique même s’il se trouve que nos décisions suscitent, à l’évidence, une attention particulière des citoyens et des médias. Nous essayons de prendre ces décisions avec pondération et discernement dans le respect de la loi comme des principes qui nous gouvernent. Il ne faut toutefois pas se laisser détourner de la réalité par des cas isolés de manquements individuels : l’immense majorité de nos responsables publics se comportent honnêtement dans le seul souci de l’intérêt général. Je tiens à le rappeler.

En tant que président de la Haute autorité, pensez-vous que les responsables politiques n’ont pas en France la culture de la transparence?

La promotion de l’exemplarité républicaine ne saurait se confondre avec l’envie de faire des exemples. Il est vrai que la transparence ne fait pas partie de la culture publique française et que notre Etat s’est longtemps construit exclusivement sur le culte du secret. Mais les choses changent, les citoyens sont plus attentifs et veulent être des parties prenantes de la délibération. Depuis quelques années, dans tous les domaines de la vie publique, un nouvel équilibre se forme entre transparence et secret, qui doivent se combiner harmonieusement. Regardez en matière d’ouverture des données publiques, depuis 2011, les avancées sont continues. La transparence démocratique est un des éléments moteurs de la confiance des citoyens en leurs institutions. C’est le sens du rapport que je remettrai dans les prochains jours au président de la République.

Les élus, dont les déclarations sont publiées, ont été au centre de l’attention cette année. Allez-vous communiquer sur les autres responsables publics qui sont contrôlés par la HATVP, par exemple certains hauts fonctionnaires ou les membres des autorités administratives indépendantes?

Incontestablement, la situation des élus retient beaucoup plus l’attention, notamment parce que leurs déclarations sont rendues publiques. Cela ne signifie pas que nous ne travaillons pas sur les autres déclarations, dont le Conseil constitutionnel a censuré la publication. Ce travail est simplement moins visible pour nos concitoyens.

La Haute autorité peut aussi avoir un rôle de conseil déontologique auprès des élus, notamment en matière de conflits d’intérêts. Avez-vous été sollicité cette année, et sur quels types de cas?

Vous avez raison, c’est un aspect important mais méconnu de notre activité. Les déclarants et les institutions publiques peuvent solliciter des avis de la Haute autorité sur toute question d’ordre déontologique. Nous avons rendu au cours de l’année 2014 une dizaine d’avis concernant d’anciens ministres, des hauts fonctionnaires ou des parlementaires. Il m’est difficile de vous donner des éléments plus précis car la loi a prévu que ces avis sont confidentiels sauf quand l’intéressé a lui-même rendu publique sa démarche. C’est notamment le cas du Conseil de Paris qui nous avait sollicité sur son projet de commission de déontologie, une démarche que nous avions saluée.

Lors de la publication des déclarations d’intérêt des parlementaires, c’est l’association Regards Citoyens qui a fait en sorte de numériser ces documents, qui étaient parfois peu lisibles et donc d’un intérêt limité pour les citoyens. Allez-vous travailler à rendre plus accessibles les données que vous publiez?

Oui, je regrette que la rapidité d’installation de la Haute autorité ne nous ait pas permis de proposer aux parlementaires un service de déclaration en ligne. Je vous rappelle qu’un mois à peine a séparé ma nomination de la réception des premiers milliers de déclarations! Cela témoigne aussi de la vitalité et de l’intérêt de la société civile sur ces sujets, et je crois qu’on peut s’en féliciter. Notre priorité pour 2015, c’est le développement d’une application de télé-déclaration afin que les éléments publiés puissent être plus aisément consultables et réutilisables, ainsi que le prévoit la loi.

Quels sont les autres projets de la Haute autorité pour 2015?

Poursuivre notre mission dans le sens que la loi a prévu et développer des actions de prévention et de formation qui sont essentielles pour renouer la confiance publique. L’année 2014 a été, à tous les plans, une année de transition, des améliorations de notre dispositif et de nos procédures devront intervenir car tout est perfectible. Mais je suis convaincu que les progrès accomplis ont vocation à s’inscrire dans la durée car il me semble répondre à un besoin public comme à l’attente de nos concitoyens.

 

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