Trente-neuf ans après le vote de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI), texte structurant et fondateur pour le secteur, la loi d’orientation des mobilités (LOM), publiée au Journal officiel le 24 décembre 2019, visait à réformer le cadre général des mobilités en tenant compte de la transition écologique.
Le Gouvernement souhaitait rompre avec une politique de transports jugée coûteuse, axée autour du déploiement de grandes infrastructures comme le TGV, pour engager le développement de nouvelles mobilités du quotidien durables, plus propres sur le plan énergétique, plus inclusives et plus efficaces en termes de couverture du territoire.
Cette loi revêt des enjeux stratégiques. Elle ambitionne en effet de réussir la transition énergétique et écologique des modes de transports, d’orienter la politique d’aménagement du territoire vers un maillage efficace, de réduire les inégalités territoriales (en couvrant les « zones blanche » de la mobilité) et de développer de nouveaux services numériques au service de la mobilité pour tous.
Les débats législatifs relatifs à la loi d’orientation des mobilités ont fait émerger des lignes de fracture claires entre les différentes parties prenantes : une partie des représentants d’intérêts impliqués a déployé d’importantes stratégies de lobbying pour promouvoir l’innovation technologique comme levier de développement de nouvelles solutions de mobilité du quotidien, quand d’autres représentants d’intérêts ont fait valoir leurs propositions pour favoriser le déploiement des mobilités « douces » et « propres », présentées comme plus respectueuses de l’environnement. On peut citer pêle-mêle l’utilisation croissante de véhicules électriques, le développement de l’hydrogène, les incitations à la pratique du covoiturage et enfin le lancement d’un « plan vélo » d’envergure nationale.
Les déclarations de 132 entités inscrites au répertoire des représentants d’intérêts illustrent l’intensité de cette activité de lobbying. Il s’agit aussi bien de sociétés commerciales et de cabinets de lobbying que d’organisations professionnelles, de syndicats ou d’associations, qui évoluent dans les secteurs du transport routier, ferroviaire, aérien, et maritime. 413 fiches d’activités témoignent du nombre d’actions menées et révèlent les positions défendues par chacun des acteurs, ainsi que les moyens qu’ils y ont consacrés.
Contexte et enjeux de la loi d’orientation des mobilités
Le calendrier législatif
La loi d’orientation des mobilités, promulguée en décembre 2019, a fait l’objet de nombreuses négociations entre les différents acteurs de l’écosystème des transports en France, et ce pendant plus de deux ans. Les Assises de la mobilité organisées par le Gouvernement à l’automne 2017 ont en effet posé les premiers jalons de la loi.
Le 26 novembre 2018, François de Rugy, ministre de la transition écologique et solidaire, et Elisabeth Borne, ministre chargée des transports, ont présenté le projet de loi en conseil des ministres. Le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée sur ce texte.
A l’issue de la navette parlementaire, faute d’un accord commun, une commission mixte paritaire est convoquée le 10 juillet 2019, mais celle-ci se solde par un échec. La loi d’orientation des mobilités a fait l’objet d’une adoption définitive le 19 novembre 2019, au terme d’un parcours législatif marqué par plusieurs désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat, notamment sur l’encadrement des nouvelles formes de mobilités propres et partagées.
Le contenu de la loi
La loi d’orientation des mobilités, conçue comme une « boîte à outils » au service des collectivités et des acteurs du secteur des mobilités en France, compte dans sa version définitive près de 200 articles répartis en cinq titres. Plus de 6 700 amendements ont été déposés au cours du débat parlementaire.
Le titre I établit la programmation pluriannuelle des investissements de l’Etat dans les transports (27,7 milliards d’euros sur dix ans).
Le titre II a trait à la refonte de la gouvernance en matière de mobilités et fixe une nouvelle répartition des compétences qui renforce, dans une logique décentralisatrice, le rôle des collectivités territoriales et des régions.
Le titre III traite du rôle et des opportunités que peuvent jouer les services numériques innovants au service de la révolution des modes de transports.
Le titre IV encadre juridiquement le développement des nouvelles mobilités « propres » et « actives » conformément à l’objectif de réduction de l’empreinte environnementale des transports.
Enfin, le titre V comporte de nombreuses dispositions relatives au renforcement de la sûreté et de la sécurité dans les transports.
Les représentants d’intérêts actifs lors des débats sur la LOM
Parmi les représentants d’intérêts inscrits au répertoire, 132 ont déclaré des activités de lobbying destinées à influencer la LOM.
Les types d’actions que ces représentants d’intérêts ont menées se répartissent ainsi :
Les responsables publics visés par les actions de représentation d’intérêts
La question de l’organisation des transports et des mobilités en France revêt un caractère transversal et stratégique qui fait intervenir plusieurs ministères et administrations de l’Etat.
Les déclarations des représentants d’intérêts montrent que six catégories de responsables publics ont fait l’objet d’entrées en communication : les membres du Gouvernement, de cabinet ministériel ou les collaborateurs du Président de la République, les membres des assemblées parlementaires, les personnes titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement et les membres d’autorités administratives indépendantes.
Les membres du Gouvernement, de cabinets ministériels et les collaborateurs du Président
Au classement des responsables publics les plus cités, viennent en première position les membres du Gouvernement, de cabinets ministériels ou les collaborateurs du Président de la République avec 590 occurrences.
Quatorze ministères ont été sollicités, ainsi que Matignon. Comme en témoignent les déclarations des représentants d’intérêts influents sur la LOM, le ministère de la transition écologique et solidaire figure, avec 206 occurrences, en tête des administrations les plus sollicitées. Viennent ensuite le Premier ministre (122 occurrences), le ministère de l’économie et des finances (59 occurrences) suivi à égalité par le ministère du travail et celui de la cohésion des territoires (19 occurrences chacun).
Les collaborateurs du Président de la République sont cités 75 fois.
Ces données révèlent que les thématiques environnementale et énergétique se situent au cœur des dispositions de la LOM, tout comme les questions économiques, d’emploi et d’aménagement du territoire.
Le Parlement
L’Assemblée nationale ou le Sénat sont cités 345 fois par les représentants d’intérêts dans leurs fiches d’activités relatives à la LOM.
Les parlementaires, leurs équipes, ou les agents des services des assemblées parlementaires sont fréquemment cités par les représentants d’intérêts comme ayant fait l’objet d’une rencontre (rendez-vous physique, rendez-vous à distance, envoi de notes et documents).
Il est à noter que l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) a indiqué dans la case « Observations » de certaines fiches d’activités l’identité des responsables publics rencontré (des parlementaires et une ministre notamment).