Une actualité dense liée à l’influence et au lobbying
Début juin, la proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France a été adoptée. Le texte prévoit notamment l’instauration d’un nouveau registre consacré à l’influence étrangère et géré par la Haute Autorité, le 1er juillet 2025 au plus tard. Est également prévue la prise en compte d’un nouveau risque d’influence étrangère dans le cadre du contrôle des projets de mobilité professionnelle, pour l’examen duquel le délai est étendu à cinq ans (contre trois pour les risques d’ordre pénal et déontologique).
Toujours sur le sujet de la représentation d’intérêts et de l’influence, jusqu’à la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024 était en cours d’examen au Parlement, en seconde lecture, une proposition de loi encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques.
En raison de son expertise sur ces thématiques, directement liée à son action en faveur du renforcement de l’intégrité dans la sphère publique, la Haute Autorité est particulièrement attentive aux évolutions des normes et préconisations internationales sur le sujet.
Les principales préconisations de l’OCDE
La recommandation de l’OCDE met en avant cinq préconisations principales :
– déclarer les activités de lobbying et d’influence conduites au nom d’intérêts étatiques étrangers ainsi que les dons et contributions reçus par les autorités, les agents publics et les partis politiques dans le cadre des campagnes électorales ;
– instaurer dans les processus décisionnels publics une empreinte réglementaire : un outil qui donne le détail des acteurs du lobbying et de l’influence et des parties prenantes consultées dans le cadre du processus décisionnel ;
– élargir les principes sur les mesures de transparence pour tous les organismes fournissant des conseils au gouvernement et exiger que les informations sur le financement et le fonctionnement des organes consultatifs soient rendues publiques et qu’ils prescrivent des mesures liées à l’intégrité (règles de procédure, normes de conduite et règles de conflit d’intérêts) ;
– encourager la transparence et l’intégrité des entreprises et des ONG lorsqu’elles se livrent à des activités de lobbying et d’influence ;
– renforcer les mesures portant sur les conflits d’intérêts et les allers-retours entre secteurs public et privé en préconisant l’adoption de règles et de procédures permettant de repérer, gérer et résoudre les situations de conflit d’intérêts et instaurer un système de gestion des risques de conflit d’intérêts liés aux individus qui rejoignent ou quittent la fonction publique, y compris au niveau international.
La recommandation de l’OCDE appliquée au dispositif français
Au-delà de ces cinq pistes principales, la recommandation de l’OCDE balaie un large panel de thématiques, du financement des cabinets de conseil à la gestion des risques liés aux mobilités professionnelles des agents publics, en passant par l’indépendance des médias et les normes d’intégrité visant les acteurs du lobbying et de l’influence. La diversité des enjeux couverts par les préconisations de l’OCDE souligne le caractère protéiforme de l’influence et du lobbying, voire la mutation de leurs modus operandi.
Elle permet aussi de resituer la France parmi les 38 États ayant adhéré à la nouvelle version du texte. Les dispositifs français, au premier rang desquels figure le répertoire des représentants d’intérêts, sont en grande partie conformes aux recommandations formulées. Le répertoire des représentants d’intérêts, instauré en 2017 par la loi dite Sapin II, répond en effet à la majorité des préconisations, notamment celle d’inclure les entreprises et les ONG lorsqu’elles se livrent à des activités de lobbying et d’influence. Cette conception matérielle permet ainsi une prise en compte réaliste de la pratique, qui n’est pas réservée à une liste d’acteurs définie mais qui s’apprécie au regard de la nature et de la fréquence des actions menées.
C’est le cas également de l’influence spécifiquement étrangère. La loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, adoptée en juin 2024, prévoit la création d’un nouveau registre ad hoc.
Il en va de même pour le contrôle des mobilités entre les secteurs public et privé. Le dispositif français, qui confie ce contrôle à la Haute Autorité dans le cas des 18 000 responsables et agents publics occupant les fonctions les plus stratégiques, et qui responsabilise les administrations elles-mêmes dans les autres cas, encadre ces mobilités, dans l’objectif notamment de prévenir les risques de conflits d’intérêts.
S’agissant de mesures de transparence pouvant s’appliquer aux cabinets de conseil, la proposition de loi en cours de discussion au Parlement avant la dissolution de l’Assemblée nationale prévoyait de confier à la Haute Autorité des prérogatives de contrôle pour réguler ce champ de la vie publique, susceptible d’exercer sur elle une influence à risque.
En revanche, l’empreinte réglementaire telle que proposée par la recommandation de l’OCDE n’est aujourd’hui que partielle, le dispositif français d’encadrement de la représentation d’intérêts étant nettement perfectible. Depuis plusieurs années, la Haute Autorité formule en effet des propositions destinées à faire évoluer le dispositif de régulation du lobbying afin de garantir son efficacité et sa lisibilité, parmi lesquelles :
– supprimer le critère d’initiative du représentant d’intérêts ;
– préciser le champ des décisions publiques entrant dans le champ de l’encadrement ;
– regrouper dans un texte unique la liste des responsables publics susceptibles d’être visés par des actions de représentation d’intérêts ;
– simplifier le seuil déclenchant une obligation d’inscription, en appréciant le seuil minimal de dix actions au niveau de la personne morale et non de la personne physique ;
– modifier le rythme de l’obligation déclarative pour un rythme semestriel ;
– autoriser les déclarations consolidées pour les groupes de sociétés ;
– imposer la précision de la décision publique visée par l’action de représentation d’intérêts et les fonctions précises du responsable public auprès duquel l’action a été menée.