Quand le Royaume-Uni s’est-il doté d’un dispositif de transparence de l’influence étrangère ?
Dans le cadre du National Security Act 2023, entré en vigueur le 20 décembre 2023, le Royaume-Uni s’est doté d’un système d’enregistrement des influences étrangères, le Foreign Influence Registration Scheme (FIRS) constitué d’un registre national public (dont la mise en œuvre est prévue à l’automne 2024) visant à renforcer la transparence des actions menées pour le compte d’un État étranger.
Le registre est administré par une unité créée spécialement pour sa mise en œuvre au sein du ministère de l’intérieur (Home Office) et dotée de pouvoirs administratifs et d’enquête.
Quel est le champ d’application du FIRS ?
Le registre distingue deux volets.
Le premier volet est relatif à l’influence politique. Il concerne les organismes ou les individus recevant des financements d’une puissance étrangère afin de mener des activités « d’influence politique » au Royaume-Uni. L’obligation d’inscription au FIRS naît de la réunion des critères suivants :
– Un accord conclu avec une puissance étrangère. La notion de puissance étrangère doit être entendue comme tout Gouvernement étranger, parti politique au pouvoir, chef d’État, agence ou autorité d’un État étranger, ou comme toute autorité administrant une région d’un pays étranger ;
– Des instructions venant de la puissance étrangère concernant l’utilisation du financement reçu ;
– Une activité d’influence politique menée au Royaume-Uni.
Le seul financement reçu d’une puissance étrangère ne constitue pas en soi une « instruction ». Il ne s’agit d’une « instruction » que si le financement est assorti de conditions pour son utilisation.
Pour être considérée comme une « activité d’influence politique », deux critères cumulatifs concernant le type et le but de l’activité doivent être réunis :
L’activité doit être :
– Une communication (courriel, lettre ou réunion) à l’égard d’un haut fonctionnaire ou d’un responsable politique. L’annexe 14 du National Security Act 2023 énumère les personnes à l’égard desquelles une communication peut être considérée comme une activité d’influence politique. Il s’agit notamment des ministres, membres du Parlement, élus locaux et candidats aux élections, membres de la police et militaires de haut rang ;
– Ou une communication publique (par exemple, une publication ou un article), sauf s’il est évident qu’elle est faite sous la direction d’une puissance étrangère ;
– Ou la fourniture d’argent, de biens ou de services à une personne ou à une entité au Royaume-Uni (par exemple, la fourniture de services de conseil à une entreprise britannique).
L’activité doit avoir pour objectif d’influencer :
– Une élection ou un référendum au Royaume-Uni ;
– Ou une décision ministérielle (y compris un ministre ou un département gouvernemental du Pays de Galles, de l’Écosse ou de l’Irlande du Nord) ;
– Ou les travaux d’un parti politique enregistré au Royaume-Uni ;
– Ou un membre de la Chambre des Communes, de la Chambre des Lords, de l’Assemblée d’Irlande du Nord, du Parlement écossais ou du Parlement gallois.
Le second volet qualifié de « renforcé » exige la déclaration d’un éventail plus large d’activités lorsqu’une personne agit sous la direction de puissances ou d’entités étrangères considérées comme présentant un risque pour la sécurité ou les intérêts du Royaume-Uni. Doivent alors être déclarés :
– Les accords avec une puissance étrangère ou une entité dont le ministre de l’intérieur estime qu’elle est contrôlée par une puissance étrangère ;
– Qui impliquent de mener ou de faire mener par une autre personne des « activités pertinentes » au Royaume-Uni. Les « activités pertinentes » comprennent toutes les activités exercées au Royaume-Uni et incluent les activités commerciales, les activités de recherche et la fourniture de biens et de services.
Le ministère de l’intérieur a publié un projet de lignes directrices qui précise le champ d’application du FIRS.
Quelles informations doivent être déclarées ?
Les déclarants devront renseigner la nature des activités menées pour le compte de la puissance étrangère, l’objectif et les résultats poursuivis, les dates de début et de fin de ces activités, leur fréquence, des informations relatives aux personnes ou aux entités qui mènent ces activités mais aussi relatives à l’entité ou à la puissance étrangère ayant mandaté ces activités.
À quelle fréquence doivent se faire les déclarations au registre ?
Les accords d’influence étrangère relevant du volet relatif à l’influence politique devront être enregistrés dans un délai de 28 jours à partir du jour où l’accord est conclu.
Les accords relevant du niveau renforcé devront quant à eux être enregistrés dans un délai de 10 jours.
Lors de l’entrée en vigueur du dispositif, les accords préexistants devront être enregistrés dans un délai de trois mois.
En cas de modification substantielle d’un accord enregistré, les informations devront être mises à jour dans un délai de 14 jours, à compter de la date à laquelle la modification prendra effet. Lorsqu’une activité est répétée et menée de la même manière et dans le même but que l’activité initiale enregistrée, il ne sera pas nécessaire de procéder à une nouvelle déclaration.
Quels sont les moyens de contrôle et de sanction de ces obligations ?
L’unité de gestion du FIRS au sein du ministère de l’intérieur est notamment habilitée à émettre des avis d’information à l’intention des déclarants ou des personnes physiques ou morales considérées comme des parties prenantes d’une action d’influence qui doit être déclarée sur le registre. Le non-respect d’une obligation déclarative est susceptible de constituer une infraction pénale pouvant entraîner une peine d’emprisonnement de deux ans (dans le cadre du volet relatif à l’influence politique) ou de cinq ans (dans le cadre du niveau renforcé) et/ou une amende dont le montant n’est pas limité.
Existe-t-il des exemptions à l’obligation d’inscription au registre ?
N’ont pas à s’inscrire :
– Les personnes agissant dans le cadre d’un accord auquel participe le Royaume-Uni (il s’agit par exemple des personnes invitées à participer à un événement par un ministère britannique) ;
– Les personnes agissant pour le compte d’une puissance étrangère en leur qualité officielle ;
– Les personnes auxquelles s’appliquent les privilèges et immunités prévus par le droit international (par exemple, la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires) ;
– Les membres de la famille du personnel diplomatique et consulaire ;
– Les avocats fournissant des services juridiques.
Les personnes qui fournissent des services essentiels à une mission diplomatique ou à un consulat (comme par exemple la restauration) sont exemptées du volet « renforcé » du FIRS.
Concernant le volet relatif à l’influence politique, les éditeurs de presse nationaux et internationaux bénéficient d’une exemption.
Tout accord conclu entre le Royaume-Uni et la République d’Irlande est également exempté d’enregistrement.
Quelle est la distinction entre ce nouveau régime et celui prévu par la loi sur le lobbying de 2014 ?
Le Royaume-Uni s’est doté dès 2014 d’un encadrement du lobbying avec l’adoption du Transparency of Lobbying, Non-Party Campaigning and Trade Union Administration Act, s’appliquant aux lobbyistes conseils représentant des clients tiers.
En application de cette loi, seules les personnes exerçant des activités pour une tierce personne doivent s’enregistrer. Le FIRS quant à lui exige l’enregistrement des accords conclus avec des puissances étrangères lorsque cet accord vise à exercer une activité d’influence politique au Royaume-Uni.
Lorsque les accords ou les activités d’une personne ou d’une entité répondent aux exigences des deux régimes, celles-ci doivent s’enregistrer séparément auprès du FIRS et du registre des lobbyistes-consultants.