Les responsables publics visés par les actions de représentation d’intérêts
Les déclarations des représentants d’intérêts révèlent que sept catégories de responsables publics ont fait l’objet d’entrées en communication : des membres du Gouvernement ou de cabinet ministériel, des collaborateurs du Président de la République, des membres et collaborateurs des assemblées parlementaires, des personnes titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement, des membres d’une autorité administrative ou publique indépendante, des agents de l’État ou encore des agents d’une collectivité territoriale.
Le Parlement
Les parlementaires, leurs collaborateurs et les agents des services des assemblées parlementaires sont parmi les responsables publics les plus fréquemment mentionnés. L’Assemblée nationale ou le Sénat sont cités dans 66 fiches d’activités.
Greenpeace France a par exemple souhaité « montrer les incohérences des fondements de la loi d’accélération du nucléaire et le vide de l’étude d’impact pour qu’elle ne soit pas adoptée ». L’association, spécialisée dans la défense de l’environnement et la lutte contre les projets jugés néfastes pour la transition écologique, a ainsi précisé dans ses observations avoir organisé une discussion avec des députés de différents groupes parlementaires et avoir déposé une analyse du projet de loi au Conseil d’État.
Les membres du Gouvernement, de cabinet ministériel et les collaborateurs du Président de la République
53 fiches d’activités relatent les approches menées par les représentants d’intérêts auprès de cette catégorie de responsables publics. Les collaborateurs du Président de la République sont mentionnés à 21 reprises, tandis que les membres du Gouvernement ou de cabinet ministériel apparaissent dans 50 occurrences. Parmi les organismes sollicités, l’Union des industries métallurgiques minières (UIMM) a déclaré avoir engagé un dialogue avec la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), afin de « communiquer sur les besoins des industriels de la filière nucléaire française dans le cadre du marché de l’électricité ». L’UIMM a par ailleurs sollicité le Gouvernement pour « discuter des besoins de formation initiale et continue, de métiers, de compétences, d’ingénierie et d’organisation de la filière industrielle nucléaire ». Ces actions visent à soutenir la pérennité et la compétitivité de la filière, dans l’optique de contribuer à la transition énergétique et à la souveraineté industrielle de la France.
Les agents de l’État, d’administration centrale de l’État et des collectivités
Un total de 20 fiches d’activités a été publié sur le répertoire concernant ces catégories de décideurs publics. Pour exemple, à l’échelon local, le cabinet Comfluence, spécialisé dans le conseil en communication et relations institutionnelles, a déclaré avoir organisé, pour le compte de Syntec Ingénierie, des discussions informelles ou des réunions en tête-à-tête et transmis des informations et expertises dans un objectif de conviction. L’objectif était de demander « d’accélérer le nucléaire et de questionner le plafonnement de la production d’énergie nucléaire ».
Les personnes titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement
Dans cette catégorie, 22 fiches d’activités liées à des démarches de représentation d’intérêts ont été déclarées. La société Newcleo, acteur émergent dans le domaine des technologies nucléaires avancées, s’est engagée à « promouvoir les avantages du nucléaire de 4e génération pour répondre aux enjeux de la transition et de la souveraineté énergétiques ». Dans cette perspective, elle a organisé des discussions informelles et des réunions en tête-à-tête pour sensibiliser et informer les parties prenantes sur les atouts de cette technologie dans le contexte de la transition énergétique.
Les stratégies de représentation d’intérêts mises en œuvre
Les principales mesures ayant fait l’objet d’actions de représentation d’intérêts sont détaillées ci-dessous. Les 26 représentants d’intérêts ont notamment ciblé les dispositions visant à simplifier et accélérer les procédures administratives concernant la construction et le fonctionnement des installations nucléaires.
La planification énergétique
Le texte met principalement à jour la planification énergétique en supprimant l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % dans le mix électrique d’ici 2035, ainsi que la limitation de la capacité de production nucléaire à 63,2 gigawatts.
En matière de représentation d’intérêts, la Société française d’énergie nucléaire (SFEN) s’est par exemple engagée à « discuter des apports de l’énergie nucléaire pour atteindre les objectifs de neutralité carbone », ainsi qu’à mettre en lumière la contribution du nucléaire à la souveraineté énergétique française et européenne, à la sécurité d’approvisionnement électrique et à l’économie du système énergétique national. Dans ce cadre, la SFEN a transmis une documentation, incluant un cahier d’acteur ainsi que des fiches « Parler du nucléaire ». Les actions ont été menées à l’endroit de titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement, de collaborateurs du Président de la République, de parlementaires et de leurs collaborateurs, ainsi qu’à des membres du Gouvernement et de leurs cabinets. À ce titre, la SFEN a organisé des discussions informelles et des rencontres individuelles, partagé des informations et expertises pour convaincre ces décideurs et maintenu une correspondance régulière (courriels, courriers).
De son côté, Orano SA, acteur majeur de la filière nucléaire française, s’est principalement attaché à soutenir les innovations stratégiques et industrielles. L’organisation a déclaré : « informer sur les spécificités des activités d’Orano au regard du projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires », « mener des échanges préliminaires sur l’opportunité pour Orano de bénéficier de mesures d’accélération […] » ou encore « assurer la bonne intégration de l’énergie nucléaire et des enjeux du cycle du combustible dans la transition bas-carbone ». Les responsables publics ciblés incluent les titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement, les collaborateurs du Président de la République, les parlementaires et leurs collaborateurs, ainsi que les membres du Gouvernement et leurs cabinets ministériels. À ce titre, Orano SA a transmis des suggestions, fourni aux décideurs des informations et expertises pour les convaincre, organisé des discussions informelles ou des rencontres individuelles, ainsi que des événements ou actions promotionnelles.
Le Cercle d’étude réalités écologiques et mix énergétique (CEREME), représentant les intérêts de CLAI, a également œuvré à sensibiliser les décideurs publics aux impacts des choix énergétiques de la France. Il a notamment indiqué avoir mené des actions auprès d’agents de l’État pour « alerter les décideurs politiques sur les conséquences des choix de la France en matière de politique énergétique à l’occasion de l’examen des projets de loi d’accélération des énergies renouvelables et nucléaire ».
La construction des réacteurs EPR2 et la prolongation des installations nucléaires actuelles
Pour accélérer la construction des réacteurs EPR2 et des petits réacteurs modulaires (SMR) à proximité des centrales nucléaires existantes, la loi simplifie temporairement les procédures pour une durée de 20 ans. En outre, le texte facilite la procédure de réexamen périodique des réacteurs de plus de 35 ans et renforce la participation du public.
Dans le cadre des actions de représentation d’intérêts menées, la société Réseau de transport d’électricité (RTE) a travaillé à simplifier le cadre juridique du raccordement des projets industriels nécessaires à la transition énergétique et à partager les résultats de ses études prospectives, comme « Futurs énergétiques 2050 », afin d’éclairer les décisions publiques et de renforcer la sécurité d’approvisionnement électrique. RTE a notamment transmis un argumentaire aux parlementaires afin de soutenir une modification législative visant à « étendre les dérogations à la loi littoral pour les INB prévues par le projet de loi d’accélération du nucléaire aux ouvrages de raccordement au réseau d’électricité ». Selon les observations déclarées, cette initiative visait à revenir à la rédaction initiale du texte concernant ce « régime dérogatoire commun à la loi littoral pour la construction de réacteur nucléaire et les ouvrages de raccordement au réseau y afférents ».
L’Union française de l’électricité (UFE) s’est engagée activement pour obtenir la « reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pour les réacteurs nucléaires ». Cette position a notamment été défendue auprès des parlementaires, membres du Gouvernement et cabinets ministériels. L’UFE a mené des discussions informelles et des rencontres en tête-à-tête, soumis des propositions pour orienter l’élaboration d’une décision publique et organisé des débats publics, ainsi que des actions de communication stratégique sur internet. De manière générale, l’UFE s’emploie à soutenir l’électricité dans la transition énergétique, à favoriser un cadre adapté aux énergies bas carbone et à participer aux discussions sur la régulation et les prix de l’électricité.
Par ailleurs, Agir pour l’environnement a déclaré avoir mené une « campagne visant à obtenir l’abandon des projets de nouveaux réacteurs EPR » et d’autres initiatives jugées incompatibles avec ses objectifs écologiques, tout en sensibilisant des parlementaires, membres du Gouvernement et des cabinets ministériels aux enjeux environnementaux par des actions ciblées et des outils de communication stratégique. Dans ce cadre, l’association a indiqué avoir organisé des discussions informelles, des réunions en tête-à-tête, des auditions, des consultations formelles, des événements publics, des rencontres promotionnelles ainsi que des actions de communication stratégique sur internet. Elle a également transmis des informations, des recommandations et des analyses pour convaincre ces décideurs publics, en plus d’avoir établi une correspondance régulière par courriels et courriers.
La sûreté et la sécurité nucléaires
Pour améliorer la sûreté et la sécurité nucléaires, plusieurs mesures ont été adoptées sur amendements du Sénat. Les rapports de sûreté, élaborés lors de la création et du réexamen des centrales, devront désormais inclure les conséquences du changement climatique. La cybersécurité devra également être mieux intégrée dans la sécurité nucléaire.
Parmi les acteurs ayant défendu des propositions sur ce sujet, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) s’est mobilisé pour « faire de la pédagogie sur ses activités, expertises et travaux relatifs aux risques nucléaires et radiologiques ». Les interlocuteurs concernés incluent les membres du Gouvernement et leurs cabinets, les titulaires d’emploi à la décision du Gouvernement, les collaborateurs du Président de la République, ainsi que les parlementaires, leurs collaborateurs et les agents des services des assemblées parlementaires. À cette fin, l’IRSN a organisé des discussions informelles et des réunions en tête-à-tête, transmis des informations et expertises aux décideurs publics dans une démarche de conviction et invité ou organisé divers événements, rencontres et activités promotionnelles. Cet établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), expert en matière de radioprotection et de sûreté nucléaire, joue un rôle clé dans l’évaluation et la prévention des risques liés aux rayonnements ionisants et aux activités nucléaires.
APCO Worldwide, cabinet de conseil en communication, défend des solutions énergétiques durables en exposant les difficultés des franchisés face à la hausse des prix de l’énergie et en demandant un prolongement des aides. Dans le cadre de ses actions, APCO Worldwide, agissant pour le compte de Naarea, une entreprise française spécialisée dans le développement de micro-générateurs nucléaires, s’est employé à « faire valoir les bénéfices du nucléaire de 4e génération pour répondre aux enjeux de la transition énergétique, notamment en vue du PJL d’accélération du nucléaire et des débats à venir sur l’énergie », en particulier en vue du projet de loi sur l’accélération du nucléaire et des débats à venir autour de l’énergie. Ce travail a visé les décideurs publics, notamment les membres du Gouvernement et leurs cabinets, les collaborateurs du Président de la République, les parlementaires ainsi que leurs équipes et les agents des assemblées parlementaires. Dans ce cadre, APCO Worldwide a mis en place des discussions informelles et des rencontres en tête-à-tête, transmis des informations et des analyses aux décideurs pour les convaincre et facilité des entretiens pour des tiers avec des responsables publics.
Enfin, Électricité de France (EDF), en tant qu’acteur clé de la production et de la distribution d’électricité en France, défend des positions visant à simplifier les cadres législatifs et réglementaires, à sécuriser les investissements nécessaires pour le développement des infrastructures nucléaires et électriques et à limiter les impacts financiers des régulations sur ses activités, tout en garantissant la sécurité énergétique et la transition énergétique du pays. Dans ses déclarations, EDF a exprimé sa volonté de « maintenir la prise en compte du risque inondation dans la démonstration de sûreté nucléaire préalable au décret d’autorisation de création, non dans les règles d’urbanisme » au sujet des enjeux de sécurité publique. EDF a également proposé de « maintenir la délivrance de l’autorisation environnementale par décret simple (et non par décret en Conseil d’Etat) pour les travaux préparatoires hors ilot nucléaire », « laisser au pouvoir réglementaire la fixation du détail du cahier des charges de la concession d’utilisation du domaine public maritime » et « inscrire dans le PJL accélération nucléaire le pouvoir pour la CNDP de définir la concertation à organiser (débat public / concertation préalable) pour la création d’une nouvelle installation ».
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