La lettre internationale de la Haute Autorité – Octobre 2020
Le mois d’octobre clôt la campagne présidentielle américaine et offre un moment de réflexion sur le spoil system, par lequel les partis récompensent leurs soutiens en leur offrant des postes dans l’administration, au moment d’alternance politique. Ce système implique de nombreuses reconversions professionnelles entre le privé et le public. La porosité entre lobbying, milieu des affaires et administration publique outre-Atlantique est à cette occasion dénoncée par la classe politique démocrate.
Plus généralement, la Haute Autorité publie un recensement des dispositifs d’encadrement du lobbying dans 41 juridictions à travers le monde, en français et en anglais. Sont recueillies des informations relatives aux lois, règlements et codes de conduite en vigueur, et aux institutions chargées d’appliquer ces règles.
En Ukraine, la Cour constitutionnelle a quant à elle décidé de retirer les pouvoirs de contrôle de l’Agence nationale de prévention de la corruption. En Afrique du Sud, des responsables publics affirment qu’il y a encore plus grave que la pandémie de Covid-19, à savoir la pandémie de corruption qui l’accompagne.
Un document révèle le lobbying exercé par l’industrie des pesticides sur les commissaires européens, afin de réduire les objectifs du Pacte vert. La Commission européenne s’est fixée pour objectif de réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici 2030 dans l’Union, objectif irréaliste selon l’ECPA (Association européenne pour la protection des cultures) et la Copa Cogeca (Comité des organisations professionnelles agricoles). Ces associations de représentation du secteur agricole ont intensifié leurs efforts pour réduire cet objectif à 25%. (Unearthed, 12 octobre 2020)
Durant les négociations sur la politique agricole commune (PAC) au Parlement européen, certains observateurs ont pointé la double casquette de députés européens à la fois bénéficiaires de subventions de la PAC et négociateurs de celle-ci. Dix élus touchent ainsi, au titre de leurs exploitations agricoles, des aides européennes qu’ils contribuent à fixer. Les membres de la commission de l’agriculture et du développement rural (AGRI) et de la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen sont les premiers susceptibles d’être en position de conflit d’intérêts. Seulement quelques députés ont choisi de se détacher de leur entreprise agricole au début de leur mandat européen. Les aides PAC perçues par les parlementaires n’apparaissent pas systématiquement dans les déclarations d’intérêts mises en ligne sur le site du Parlement (Médiapart, 20 octobre 2020).
Une centaine de députés européens a adressé une lettre ouverte à la Commission européenne afin qu’elle améliore à l’avenir ses critères de sélection de ses conseillers. Cela fait suite à l’annonce au printemps dernier de la sélection du fonds d’investissement BlackRock comme conseiller sur l’intégration des facteurs sociaux et environnementaux dans la supervision des banques en Europe. Les eurodéputés dénoncent un conflit d’intérêts puisque BlackRock défend notamment un élargissement du marché des quotas d’émission de CO2. (Euractiv, 2 octobre 2020)
La réunion ministérielle du groupe contre la corruption du G20 a eu lieu le 22 octobre. L’occasion pour Transparency International (TI) de rappeler l’importance d’une réponse globale et concrète contre la corruption en période de Covid-19. D’après l’ONG et selon une vingtaine de cas documentés par des journalistes, la corruption affectant des fonds de lutte contre la pandémie s’élève déjà à plus d’un milliard de dollars. TI appelle les pays du G20 à fournir une assistance financière aux pays affectés par la corruption, ainsi qu’à renforcer les moyens de la société civile pour s’assurer que les fonds mobilisés pour répondre au Covid-19 arrivent bien à destination. (Transparency International, 21 octobre 2020)
La firme japonaise Dentsu fait l’objet d’une enquête de procureurs français sur un possible conflit d’intérêts dans l’attribution des jeux olympiques à la ville de Tokyo en 2013. L’entreprise japonaise de relations publiques aurait fait du lobbying en faveur de la capitale nippone, et versé plusieurs millions de dollars pour financer sa candidature. Or Dentsu détient en parallèle un contrat pour le marketing des Jeux Olympiques. A ce titre, la firme est normalement défendue d’afficher tout soutien à une ville candidate, afin de préserver la neutralité du processus de candidature. (The Japan Times, 20 octobre 2020)
ZONES GEOGRAPHIQUES
Dans une tribune, le Groupe du vendredi, forum de réflexion politique belge, demande un plus grand contrôle des collaborateurs ministériels. Il avance notamment neuf propositions pour promouvoir la déontologie au sein des cabinets ministériels, dont un projet de charte déontologique à signer par chaque cabinettard (conseiller ministériel). La problématique des reconversions professionnelles est notamment évoquée, tout comme l’inclusion de tous les mandats et activités rémunérées de chaque collaborateur et du temps consacré à ces activités. (La Libre, 22 octobre 2020)
FRANCE
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a publié un recensement des dispositifs d’encadrement du lobbying dans 41 juridictions. Cette étude couvre l’intégralité des Etats membres de l’Union européenne, des pays tels que le Canada, le Chili ou les Etats-Unis, des initiatives locales comme celle de la Catalogne, ou encore le dispositif existant au sein des institutions européennes. (Contexte, 22 octobre 2020)
MALTE
La journaliste Daphne Caruana Galizia remporte à titre posthume le prix international Allard pour l’intégrité, en reconnaissance de son engagement dans la lutte contre la corruption. Le co-récipiendaire est Howard Wilkinson, le lanceur d’alerte qui a révélé le montage de blanchiment d’argent de la Danske Bank. Daphne Caruana Galizia a été assassinée en octobre 2017 suite à ses révélations de corruption dans la classe politique maltaise. Le prix ira à la fondation Daphne Caruana Galizia pour le journalisme d’investigation. (Times of Malta, 22 octobre 2020)
ROYAUME-UNI
Une ancienne ministre du parti conservateur est au centre d’une polémique sur sa reconversion professionnelle. En tant que ministre des affaires maritimes, Nusrat Ghani avait défendu l’octroi d’une subvention de 33 millions de livres au Belfast Maritime Consortium, qu’elle vient de rejoindre. L’ancienne ministre avait notamment écrit à un de ses collègues du gouvernement pour plaider en faveur du consortium. Le comité consultatif indépendant sur les emplois privés a recommandé que cette reconversion soit conditionnée à ce que Ghani ne fournisse aucune information du temps où elle était ministre. (The Guardian, 26 octobre 2020)
La Cour constitutionnelle ukrainienne a jugé inconstitutionnels les pouvoirs de contrôle des déclarations d’intérêts et de patrimoine des fonctionnaires, exercés par l’Agence nationale de prévention de la corruption (NACP). La Cour a également décriminalisé les fausses déclarations. Opposé à cette décision, le gouvernement a ordonné à la NACP de rouvrir le registre public des déclarations. Le président Zelensky estime que la décision de la Cour porte atteinte au système de lutte contre la corruption bâti suite à la révolution ukrainienne de 2014, avis partagé par d’autres ONG anticorruption. (Transparency International, 29 octobre 2020 ; Financial Times, 31 octobre 2020)
Pour le chef de l’opposition, Pieter Groenewald, la pandémie de corruption est pire que la pandémie de Covid-19. Il fait notamment part de ses doutes sur la mise en œuvre du plan de relance proposé par le président Cyril Ramaphosa. Les deux-tiers des marchés publics liés au Covid-19 font actuellement l’objet d’une enquête. Pour Groenewald, la corruption est systémique et touche tous les niveaux de l’administration. (News24, 21 octobre 2020)
La Knesset a voté en faveur d’une enquête parlementaire sur un scandale de corruption impliquant les collaborateurs du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Toutefois ce vote a été annulé sur un point technique par le président du parlement israélien, membre du parti Likud au pouvoir. Cette annulation a déclenché l’ire du parti d’opposition Meretz. Dans cette affaire des sous-marins, Netanyahu est accusé par l’opposition de conflit d’intérêts dans une vente de navires militaires par ThyssenKrupp. L’opposition et plusieurs associations ont déclaré vouloir déposer une requête devant la Cour suprême contre l’annulation du vote. (The Times of Israel, 21 octobre 2020)
La police brésilienne a retrouvé des liasses de billets lors d’une perquisition chez le sénateur Chico Rodrigues à Boa Vista. Le sénateur s’est défendu en disant avoir simplement fait son travail de parlementaire, en apportant des fonds fédéraux dans son Etat pour lutter contre la pandémie. Ce proche de Bolsonaro écorne un peu plus les promesses de campagne du président brésilien sur la lutte anti-corruption. Bolsonaro fait l’objet d’une enquête pour ingérence présumée dans des investigations de la police fédérale visant ses proches, pour des faits de corruption. (Le Figaro, 15 octobre 2020)
CANADA
Le groupe de travail sur le Covid-19 monté par le Conseil National de la Recherche canadien fait l’objet de critiques quant à sa transparence. Chargé d’identifier et soutenir les projets de vaccins commercialisables, ce groupe de travail conseille le gouvernement sur les mesures sanitaires à prendre. Malgré des déclarations d’intérêts qui révèlent des liens avec les industries pharmaceutiques susceptibles de faire l’objet de recommandations du groupe de travail, le gouvernement canadien a défendu son choix de proposer des experts ayant des conflits d’intérêts réels ou apparents, pour leur expertise. La Commissaire à l’éthique canadienne n’a pas pu contrôler la composition de ce groupe de travail, en raison de son caractère bénévole. (The Conversation, 8 octobre 2020)
ÉTATS-UNIS
Le beau-fils de Joe Biden, Howard Krein, a continué de travailler pour une société d’investissement dans des start-ups qui développent des solutions au Covid-19, tout en conseillant la campagne du candidat démocrate sur la pandémie. Si Joe Biden est élu, cette situation pourrait déboucher sur un potentiel conflit d’intérêts, alors que le programme démocrate entend investir massivement dans les projets de recherche sur le Covid-19. Lors de la campagne électorale, les accusations de Trump portant sur les conflits d’intérêts dans l’entourage du candidat démocrate ont été nombreuses, notamment à propos du fils de Joe Biden, Hunter Biden, accusé d’avoir profité du mandat de vice-président de son père pour faire des affaires en Chine et en Ukraine. (The Hill, 13 octobre 2020)
Google a accru ses frais de représentation d’intérêts entre juillet et septembre, alors que les régulateurs et législateurs s’apprêtaient à rendre publics les résultats de leurs enquêtes sur les ententes commerciales. Google a dépensé plus de 1,9 million de dollars, une augmentation de 14,2%. Facebook dépasse largement les autres entreprises des technologies de l’information en lobbying, à 4,9 millions de dollars sur les trois derniers mois. (CNBC, 21 octobre 2020)
Brian Ballard est le représentant d’intérêts qui aurait le plus bénéficié du mandat de Donald Trump d’après le Wall Street Journal. Après avoir organisé des levées de fonds de plusieurs millions pour la campagne du candidat républicain, Ballard a ouvert son cabinet de représentation d’intérêts à Washington en 2017. Avec 122 clients, il a amassé 75 millions de dollars en quatre ans. L’exploitation de ses liens personnels avec le président Trump constituerait la clé de son succès. (The Wall Street Journal, 21 octobre 2020)
Alexandria Ocasio-Cortez et 39 autres représentants démocrates au Congrès ont signé une lettre demandant à ce que d’anciens dirigeants d’entreprises ou lobbyistes ne puissent pas être nommés à de hautes fonctions requérant l’assentiment du Sénat dans la future administration, après l’élection présidentielle du 3 novembre. Bien qu’officiellement destinée aux chefs de groupe démocrate et républicain du Sénat, la lettre s’adresse, d’après les signataires, à Joe Biden afin qu’il tire les leçons des dérives de l’administration Trump. (Politico, 16 octobre 2020)
MEXIQUE
Le président Andres Manuel Lopez Obrador a présenté un rapport sur l’opacité des finances publiques mexicaines. Ce dernier met notamment en évidence des faits de corruption dans des fonds de placement publics. D’après le rapport, 44% des ressources financières destinées à la recherche scientifique ont par exemple abondé des entreprises privées sans aucun lien avec la recherche. Néanmoins, pour l’opposition ce rapport n’est qu’une excuse pour justifier l’arrêt de circuits de financement pour l’art, l’éducation et la recherche. (The Guardian, 6 octobre 2020)
Suite à de multiples scandales de corruption impliquant l’administration, la représentante australienne Helen Haines réclame une commission fédérale sur la corruption et l’intégrité. Sommes versées à de hauts fonctionnaires de la Commission Australienne des Titres et Investissements, achats de montres de luxe par la poste australienne ou encore spéculation foncière : les exemples de corruption du secteur public australien se sont récemment multipliés. Helen Haines propose de créer une commission au sein du Parlement afin d’évaluer et d’enquêter sur les allégations de corruption, notamment en recueillant les signalements de lanceurs d’alerte. Un code de conduite pour les responsables publics fédéraux est également proposé. (The New Daily, 27 octobre 2020)
PAKISTAN
Le gouvernement pakistanais aurait eu recourt aux services d’un cabinet de représentation d’intérêts américain afin d’améliorer son image vis-à-vis de l’administration Trump, quelques jours avant une réunion du groupe d’action financière (FATF). Cette organisation intergouvernementale issue du G7 vise à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. La réunion du 21 au 23 octobre s’est prononcée sur le maintien du Pakistan sur la liste grise des pays réputés déficients dans la lutte contre le terrorisme. (Timesnownews, 12 octobre 2020)
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