Rapport de Transparency International France sur l’encadrement du lobbying

L’ONG Transparency International France a rendu public en octobre 2014 un rapport dressant un « état des lieux citoyen du lobbying en France ».

La France ne satisfait que 27% des 65 indicateurs évalués par l’association Transparency International dans son étude sur l’encadrement du lobbying. Ces indicateurs portent sur le processus d’élaboration des lois et règlements au Parlement et dans toutes les autres instances de prise de décision (cabinets ministériels, autorités administratives, collectivités locales).

La note obtenue par la France se situe en dessous de la moyenne européenne (31%), obtenue sur la base de l’évaluation de dix-neuf pays et trois institutions de l’Union européenne. Les conclusions de l’étude ont été présentées autour de trois axes d’analyse : l’intégrité des échanges, la traçabilité de la décision publique, et l’équité d’accès aux décideurs publics.

Le rapport regrette que « la question du lobbying [en France] soit souvent traitée de manière restrictive en se limitant aux seuls lobbyistes ou, pour les instances publiques, au seul Parlement et à la création d’un registre et de badge d’accès ». L’encadrement du lobbying en France privilégierait ainsi « l’accès et de sécurité » davantage que la « transparence de la décision publique ». Pour illustrer ses observations, le rapport présente également plusieurs études de cas, comme le lobbying exercé autour de la loi de séparation des activités bancaires, les pratiques de lobbying des industries du tabac ainsi que le lobbying autour du Mediator.

Intégrité des échanges

Sur ce critère, la France obtient 30% de critères remplis, même si le rapport souligne les progrès réalisés depuis l’adoption des lois d’octobre 2013, notamment sur la prévention des conflits d’intérêts, la mise en place de codes de conduites et le contrôle du pantouflage.

Les codes de conduites auxquels les représentants d’intérêts doivent se conformer au Sénat et à l’Assemblée Nationale n’ont aucune valeur légale. Le manquement aux codes est faiblement sanctionné : une interdiction d’accès au Sénat, la radiation à l’Assemblée Nationale. Les obligations déontologiques ne sont pas toujours respectées, et aucun organe indépendant ne suit le respect le respect des principes qui y figurent. Transparency cite en exemple la liste des cadeaux et invitations offertes par les industries du tabac aux parlementaires.

Par ailleurs, les règles déontologiques ne s’appliquent que aux lobbyistes et non aux décideurs publics, puisque ni les codes de déontologie des assemblées ni la charte de déontologie du gouvernement ne mentionnent les relations avec les représentants d’intérêts.

Les principales propositions de TI pour renforcer l’intégrité des échanges entre représentants d’intérêts et responsables publics :

  • Rendre publique la liste des cadeaux, dons, avantages en nature et invitations adressés aux décideurs publics;
  • Étendre l’application de l’article 432-13 du Code pénal visant à interdire le « pantouflage » aux parlementaires ;
  • Soumettre les collaborateurs parlementaires aux mêmes règles de déontologie que les parlementaires, et leur interdire de recevoir une rémunération pour des activités de lobbying, de conseil ou de veille parlementaire, pendant leur fonction au Parlement ;
  • Rendre publique les principales positions communiquées aux décideurs publics par les parlementaires ;

Traçabilité de la décision publique

La traçabilité de la décision publique et l’accès à l’empreinte législative d’un texte permettent aux citoyens de savoir qui a cherché à exercer une influence sur une loi ou une décision. Sur cet axe, la France obtient un score de 24% de critères satisfaits. Depuis la mise en place de deux registres parlementaires facultatifs, la circulation des représentants d’intérêts est réglementée dans les locaux l’Assemblée Nationale et au Sénat. En dehors des de ces règles, l’accès aux autres lieux de prises de décisions publiques ne sont pas réglementés, alors que l’exécutif est à l’initiative de la majorité des textes de lois.

Les principales propositions de TI pour renforcer la traçabilité de la décision publique :

  • Instaurer un registre national unique et obligatoire des représentants d’intérêts, dont la mise en place et le contrôle seraient confiés à un organe indépendant pouvant être saisi par les citoyens en cas de fausse déclaration ou de dérives. En outre, les dépenses engagées par les représentants d’intérêts pour leurs activités de lobbying devraient figurer sur le registre ;
  • Rendre publique la liste des personnes entendues, des consultations menées et des contributions reçuees pour l’élaboration d’un texte (empreinte législative collective) ainsi que le nom des personnes et organisations consultées par les décideurs publics (empreinte législative individuelle) ;
  • Inscrire les règles relatives au lobbying dans les Règlements des deux assemblées et renforcer la transparence des clubs & colloques parlementaires par une meilleure information sur activités conduites et les sources de financement.

Équité d’accès aux décideurs publics

L’équité d’accès aux décideurs publics, c’est-à-dire une consultation équilibrée des différents groupes d’intérêts concernés par un texte en débat, n’est pas garantie. Sur cet axe, la France obtient un score de 27% de critères satisfaits. Par exemple, la composition des commissions consultatives mises en place pour préparer l’élaboration d’un texte est rarement connue, et souvent déséquilibrée dans les intérêts représentés.

Les principales propositions de TI pour garantir l’équité d’accès aux décideurs publics :

  • Systématiser l’organisation de processus transparents de consultation publique, en y permettant notamment l’accès de la société civile ;
  • Publier l’ensemble des contributions et argumentaires reçues ainsi que de la liste des participants à la consultation ;
  • Publier en ligne l’agenda des rencontres entre décideurs publics et représentants d’intérêts.
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