La prévention des conflits d’intérêts

Qu’est-ce qu’un conflit d’intérêts ?

Il est normal pour une personne d’avoir des liens d’intérêts, qu’il s’agisse de biens matériels possédés, d’activités exercées ou d’engagements personnels. Mais pour les responsables publics, certaines situations sont susceptibles de nuire au bon exercice de leurs fonctions.

Pour éviter ces situations, les personnes qui adressent une déclaration de situation patrimoniale à la Haute Autorité doivent, au début de leur mandat ou de leurs fonctions, également remplir une déclaration d’intérêts. Celle-ci fait notamment apparaitre les activités professionnelles passées ou présentes, les différentes participations aux organes dirigeants d’organismes publics ou privés, les activités bénévoles ou la profession du conjoint.

La Haute Autorité exerce une veille et un contrôle ciblé des déclarations d’intérêts afin de détecter les situations dans lesquelles des intérêts publics ou privés peuvent interférer avec l’exercice d’un mandat ou d’une fonction.

Lorsque l’examen d’une déclaration conduit à la détection d’une situation de conflit d’intérêts, la Haute Autorité dispose de plusieurs leviers d’action lui permettant d’y mettre fin.

Elle peut en premier lieu recommander, dans le cadre d’un dialogue avec le déclarant, des solutions adaptées pour prévenir ou faire cesser un conflit d’intérêts. Il s’agit par exemple de rendre public l’intérêt en cause, de ne pas prendre part aux délibérations dans laquelle la personne concernée a un intérêt ou, dans certains cas, d’abandonner un intérêt.

Si la situation perdure, la Haute Autorité peut adopter des mesures contraignantes prenant la forme d’un pouvoir d’injonction. Elle peut ainsi ordonner à toute personne qui entre dans son champ de compétence (sauf le Premier ministre et les parlementaires) de faire cesser un conflit d’intérêts. Cette injonction peut être rendue publique et son non-respect est une infraction pénale punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende.

Comme pour les déclarations de patrimoine, le fait pour une personne de ne pas déposer une déclaration d’intérêts ou d’omettre de déclarer une partie importante de ses intérêts est puni d’une peine de 3 ans de prison et de 45 000 euros d’amende. Le cas échéant, cela peut entraîner l’interdiction des droits civiques pour une durée maximale de 10 ans ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, laquelle peut être définitive.

La gestion sous mandat des instruments financiers

Certains éléments du patrimoine, comme la détention d’instruments financiers, peuvent influencer le sens de la décision prise par un titulaire de fonctions publiques. En outre, la gestion de ces titres est susceptible d’exposer leur titulaire à des risques pénaux comme le délit d’initié prévu à l’article L. 465-1 du code monétaire et financier.

Afin de prévenir ce type de risques, les membres du Gouvernement, les présidents et membres des autorités administratives ou publiques indépendantes intervenant dans un secteur économique et certains fonctionnaires sont tenus de gérer leurs instruments financiers dans des conditions excluant tout droit de regard de leur part pendant la durée de leurs fonctions.

Les autorités administratives ou publiques indépendantes concernées sont les suivantes : l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER), l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL), la Commission nationale d’aménagement commercial (CNAC), la Commission des participations et des transferts, la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), la Haute Autorité pour la diffusion et la protection des droits sur internet (HADOPI), la Haute Autorité de santé (HAS).

Hors les cas où ils détiennent des instruments financiers dont la gestion est collective (SICAV par exemple), les ministres, présidents et membres de ces autorités doivent conclure des mandats de gestion ne permettant aucun droit de regard sur les titres qu’ils détiennent. Les membres des autorités administratives et publiques indépendantes peuvent également, uniquement lorsque les instruments financiers détenus ne sont pas en lien avec le secteur d’activité qu’ils régulent, s’engager à les conserver en l’état.

Les mandats de gestion ou les déclarations de conservation en l’état des membres du Gouvernement et des présidents des autorités administratives indépendantes doivent être communiqués à la Haute Autorité. Pour les autres membres de ces autorités, ces informations sont communiquées à leur président.

Les vérifications faites avant la nomination des membres du Gouvernement

L’article 8-1 de la loi du 11 octobre 2013 prévoit que le Président de la République peut solliciter le président de la Haute Autorité, afin d’obtenir des informations relatives au respect, par les personnes qu’il envisage de nommer au Gouvernement, de leurs obligations déclaratives. Cette saisine inclut également la vérification, par la Haute Autorité, que la nomination au poste ministériel concerné ne placerait pas la personne pressentie en situation de conflit d’intérêts avec des intérêts qu’elle détient. Dans une telle situation, la Haute Autorité recommandera la mise en oeuvre de mesures de précaution visant à écarter le risque identifié.

Le contrôle de la mobilité public/privé

Le contrôle de la reconversion professionnelle des anciens ministres, Présidents d’exécutifs locaux et membres d’une AAI/API (art. 23 de la loi 2013-907 relative à la transparence de la vie publique)

Des avis qui lient l’ancien responsable public

Quand et comment saisir la Haute Autorité?

Pendant une durée de trois ans, toute personne qui a occupé l’une de ces fonctions doit saisir la Haute Autorité afin qu’elle examine si les nouvelles activités privées qu’elle envisage d’exercer sont compatibles avec ses anciennes fonctions. Sont concernées les activités libérales (par exemple l’exercice de la profession d’avocat) ou les activités privées rémunérées au sein d’une entreprise publique ou privée (activité salariée, création d’une société, etc.) ainsi que celles exercées au sein d’un établissement public à caractère industriel et commercial ou au sein d’un groupement d’intérêt public à caractère industriel et commercial.

La Haute Autorité vérifie si l’activité envisagée pose des difficultés de nature pénale ou déontologique. Lorsqu’elle identifie de telles difficultés, elle peut rendre un avis d’incompatibilité, qui empêche la personne d’exercer l’activité envisagée, ou de compatibilité avec réserves, dans lequel elle impose des mesures de précaution de nature à prévenir le risque pénal et déontologique. Depuis la promulgation de la loi n° 2024-850 du 25 juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France, la Haute Autorité examine aussi le risque d’influence étrangère. Lorsqu’il est effectué au regard de ce risque, le délai du contrôle est étendu à cinq ans, ce qui signifie que la Haute Autorité examine à ce titre les activités exercées au cours des cinq années précédant le projet de mobilité du responsable public concerné et pendant les cinq années suivant la fin de ses fonctions publiques.

La loi prévoit que la Haute Autorité peut rendre publics les avis qu’elle accorde après avoir recueilli les observations  de la personne concernée et avoir retiré les mentions qui portent atteinte à un secret protégé par la loi.

Le contrôle opéré par la Haute Autorité

Lorsqu’elle est saisie par un ancien responsable public, la Haute Autorité se livre à un double contrôle. D’abord, elle recherche si l’activité envisagée n’expose pas la personne concernée à un risque pénal. En effet, l’article 432-13 du code pénal interdit à un ancien responsable public de travailler, au sens large, pour une entreprise qui était soumise à son pouvoir de surveillance ou de contrôle lorsqu’il exerçait des fonctions publiques, avec laquelle il a conclu des contrats ou à l’égard de laquelle il a pris ou proposé des décisions. Si la Haute Autorité considère que l’activité envisagée conduirait nécessairement l’ancien responsable public à commettre ce délit, elle peut prononcer un avis d’incompatibilité et l’activité ne peut pas être exercée. S’il existe un risque pénal mais que ce risque peut être évité par la mise en œuvre de certaines précautions, la Haute Autorité rend un avis de compatibilité en formulant les réserves qui s’imposent : par exemple, lorsqu’elle est saisie de la création d’une société de conseil, elle va demander de ne pas prendre pour clientes des sociétés avec lesquelles l’intéressé a conclu des contrats lorsqu’il était en fonctions ou à l’égard desquelles il a pris des décisions.

Sur le plan déontologique, la Haute Autorité s’assure d’abord que l’activité envisagée ne porte pas atteinte à la dignité, à la probité et à l’intégrité des fonctions antérieures. Ensuite, le contrôle porte sur l’obligation de prévention des conflits d’intérêts : le fait d’exercer cette nouvelle activité ne doit pas révéler l’existence d’une situation de conflit d’intérêts lorsque la personne concernée exerçait ses fonctions publiques. Un tel risque est plus fréquent lorsque la nouvelle activité est exercée dans le même secteur économique. A ce titre, un responsable public ne peut pas se servir de ses fonctions pour préparer sa reconversion professionnelle. Enfin, la Haute Autorité vérifie que l’activité envisagée ne remet pas en cause le fonctionnement indépendant, impartial et objectif de l’institution publique dans laquelle l’intéressé a exercé ses fonctions. En fonction des risques identifiés, la Haute Autorité peut déclarer l’activité incompatible ou formuler des réserves.

Le contrôle de la déontologie des agents publics (loi 83-634 portant droits et obligations des fonctionnaires)

La loi du 6 août 2019 de modernisation de la fonction publique a procédé à une modification profonde du contrôle déontologique des agents publics dans le cadre de leurs mobilités entre les secteurs privé et public, fondé désormais sur trois principes :

1) L’internalisation du contrôle

Le contrôle déontologique de la très grande majorité des agents publics relèvent désormais de l’administration elle-même. Ce contrôle est internalisé, dans la mesure où il est effectué par le supérieur hiérarchique de l’agent concerné, qui peut consulter le référent déontologue en cas de difficulté sur la réponse à apporter à la situation. Le supérieur hiérarchique prend lui-même la décision quant à la faisabilité du projet de l’agent public (reconversion professionnelle ou cumul d’activités) ou à la nomination d’un agent public, issu du secteur privé, dans un emploi de la fonction publique.

2) La saisine facultative de la Haute Autorité selon un principe de subsidiarité

Le contrôle déontologique principal, internalisé, peut nécessiter l’intervention de la Haute Autorité, selon un principe de subsidiarité : si l’autorité hiérarchique a un doute sérieux sur le projet en cause, même après avoir saisi le référent déontologue, elle peut saisir la Haute Autorité. Cette saisine est facultative et subsidiaire : elle ne peut porter que sur la reconversion professionnelle des agents publics, leurs projets de création ou de reprise d’entreprise, et les nominations dans certains emplois énumérés dans le décret 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique.

> Schémas récapitulatifs de la procédure de saisine subsidiaire en cas de création/reprise d’une entreprise ou d’une reconversion professionnelle dans le secteur privé et en cas de nomination

Quand et comment saisir la Haute Autorité?

3) La saisine obligatoire de la Haute Autorité dans certains cas stratégiques

Pour certains agents, la saisine de la Haute Autorité est obligatoire. Il s’agit, d’une façon générale, des personnes nommées dans les plus hauts emplois des trois fonctions publiques. Cette compétence obligatoire de la Haute Autorité est restreinte aux emplois stratégiques suivants :

Le contrôle du patrimoine

Photographie des biens que possède une personne, la déclaration de patrimoine comprend d’une part l’actif, soit les biens immobiliers, les actions ou les comptes bancaires et d’autre part, les emprunts et les dettes formant le passif. Elle est adressée à la Haute Autorité à deux reprises : lorsque la personne concernée débute son mandat ou ses fonctions et à la fin de celles-ci. Au surplus, les déclarants sont tenus de déposer une nouvelle déclaration si la composition de leur patrimoine est affectée de manière importante, par une succession ou une donation notamment.

Le contrôle effectué par la Haute Autorité répond à un triple objectif : s’assurer de la cohérence des éléments déclarés ; rechercher des omissions importantes ou variations inexpliquées du patrimoine ; prévenir tout enrichissement obtenu de manière illicite.

Des moyens de contrôle renforcés

Pour assurer efficacement sa mission de contrôle du patrimoine, la Haute Autorité bénéficie de l’appui de la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Elle peut la solliciter pour obtenir des informations sur les éléments déclarés ou pour obtenir des documents précis.

L’administration fiscale étant déliée du secret à son égard au titre des vérifications et contrôles qu’elle met en œuvre, la Haute Autorité peut également lui demander communication d’autres éléments en sa possession. Par exemple, la Haute Autorité peut lui demander communication de statuts de sociétés, d’éléments cadastraux ou lui demander d’évaluer des parts sociales ou un bien immobilier.

Lorsque la Haute Autorité l’estime nécessaire, elle peut également demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre le droit de communication qu’elle détient en application du livre des procédures fiscales « en vue de recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle ». Ces demandes peuvent concerner, par exemple, des soldes de comptes bancaires, des procédures judiciaires en cours ou des communications d’actes authentiques ou des bilans de sociétés.

La Haute Autorité peut enfin demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale en vue de recueillir à l’étranger des informations concernant certains éléments de patrimoine. Le résultat de ces procédures, qui n’ont pas de finalité fiscale, est toutefois conditionné aux conventions bilatérales applicables et à l’accord des autorités du pays concerné.

En complément, la Haute Autorité engage un dialogue avec le déclarant afin de recueillir toutes les informations nécessaires à l’examen de sa déclaration. Cette procédure est essentielle : elle permet aux déclarants de faire valoir les observations qu’ils estiment utiles et d’assurer la pleine information de la Haute Autorité.

À l’issue du contrôle, le collège de la Haute Autorité peut :

  • clore l’examen de la déclaration ;
  • formuler une appréciation, autrement dit une observation, sur une déclaration de patrimoine quand celle-ci n’est pas strictement exacte et/ou exhaustive ;
  • transmettre, dans les cas les plus graves, le dossier au parquet compétent qui a la possibilité de déclencher une procédure pénale.

Les sanctions pénales

Le fait pour une personne de ne pas déposer une déclaration de patrimoine, d’omettre de déclarer une partie importante de celui-ci ou d’en fournir une évaluation mensongère est puni d’une peine de 3 ans de prison et de 45 000 euros d’amende. Le cas échéant, cela peut entraîner l’interdiction des droits civiques pour une durée maximale de 10 ans ainsi que de l’interdiction d’exercer une fonction publique, laquelle peut être définitive.

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