Transparence, lutte contre la corruption & modernisation de la vie économique
Le Gouvernement a présenté le 30 mars 2016 un projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique qui vise à renforcer la transparence des procédures de décisions publiques et à réprimer plus rapidement et sévèrement la corruption.
Le collège de la Haute Autorité s’est réuni pour examiner les dispositions de ce texte qui prévoient notamment la création d’un service à compétence nationale chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption, la création d’un répertoire numérique des représentants d’intérêt dont la gestion serait confiée à la Haute Autorité ainsi que la fixation d’une liste des autorités administratives et publiques indépendantes entrant dans le champ des lois relatives à la transparence de la vie publique.
La création d’un service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption
Ce service, placé sous l’autorité conjointe du ministre de la justice et du ministre des finances, serait chargé d’élaborer des recommandations pour guider les administrations et les entreprises dans la mise en œuvre de procédures internes de prévention et de détection des faits de corruption. Il serait également chargé de contrôler l’exécution par une société de la peine complémentaire de mise en conformité à la suite d’une condamnation pénale pour corruption ou trafic d’influence.
Si la lutte contre la corruption doit être considérée comme une politique publique globale, les secteurs publics et privés recouvrent des réalités distinctes. La prévention, dans ces secteurs, nécessite une expertise développée, laquelle ne peut être atteinte que par une approche ciblée du secteur concerné. La Convention de Mérida – qui prévoit notamment que les parties mettent en place et promeuvent des pratiques efficaces visant à prévenir la corruption et évaluent périodiquement les instruments juridiques et les mesures administratives pertinents en vue de déterminer s’ils sont adéquats pour prévenir et combattre la corruption – distingue d’ailleurs les mesures à prendre par les États membres pour assurer la probité des responsables publics sur leur territoire de celles qui concernent la prévention de la corruption dans le secteur privé.
La Haute Autorité considère que le projet de loi doit, pour atteindre les objectifs qu’il se fixe, faire preuve de cohérence avec les dispositions des lois relatives à la transparence de la vie publique, notamment en ce qui concerne les responsables publics.
Si rien ne s’oppose à ce qu’un service à compétence nationale placé sous la tutelle conjointe du ministère de la justice et de l’économie soit chargé de superviser la mise en œuvre, dans des entreprises privées, il semble indispensable de garantir l’indépendance, à l’égard du Gouvernement, de l’organe chargé d’assurer le contrôle et le conseil des responsables publics. C’est une des raisons qui a conduit à la création de la Haute Autorité par les lois du 11 octobre 2013. Son statut d’autorité administrative indépendante lui garantit une totale autonomie à l’égard des responsables publics qu’elle peut être amenée à contrôler ou à conseiller, l’article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique prévoyant à cet égard que « dans l’exercice de leurs attributions, les membres de la Haute Autorité ne reçoivent et ne sollicitent d’instruction d’aucune autorité ».
Les missions du service à compétence nationale devraient concerner exclusivement les acteurs du secteur privé et les missions de prévention dans le secteur public devraient être confiées à la Haute Autorité.
La création d’un répertoire des représentants d’intérêts
Pour la Haute Autorité, la création d’un répertoire numérique des représentants d’intérêts est une mesure de nature à renforcer la transparence du processus d’élaboration des normes, indispensable à la restauration de la confiance des citoyens dans leurs responsables publics. Elle apportera également davantage de sécurité pour les responsables publics dans leurs relations avec les représentants d’intérêts. Ces derniers verront quant à eux leur rôle reconnu, afin de garantir l’expression de la pluralité des intérêts présents dans la société.
Des mécanismes similaires existent dans de nombreux pays étrangers, auprès des institutions de l’Union européenne et, en France, auprès de l’Assemblée nationale et du Sénat. Il en ressort que, pour être efficace, un dispositif d’encadrement des relations entre les responsables publics et les représentants d’intérêts doit reposer sur deux principaux piliers : un répertoire numérique commun à l’ensemble du secteur public dans lequel les représentants d’intérêts doivent obligatoirement s’inscrire et faire figurer des informations précises sur leurs activités d’une part, et des obligations déontologiques claires dont le contrôle est assuré par une autorité indépendante et la méconnaissance effectivement sanctionnée d’autre part.
_ Qui doit s’inscrire ? L’obligation d’inscription ne doit concerner que les personnes morales, ainsi que les personnes physiques qui exercent, en tant qu’indépendant et à titre professionnel, une activité de représentation d’intérêts, quelle que soit leur nationalité ou le lieu dans lequel l’activité s’exerce.
_ Qu’est-ce qui doit être déclaré ? Les informations déclarées doivent permettre aux citoyens de connaître, pour chaque projet de loi ou de règlement, les représentants d’intérêts qui sont intervenus lors de l’élaboration du texte, les motifs de leur intervention ainsi que les moyens engagés par eux. Ces informations doivent être mises à jour régulièrement afin de connaitre la réalité de l’activité des lobbyistes et rendues publiques en open data pour permettre leur réutilisation effective.
_ Quelles obligations déontologiques ? Les représentants d’intérêts doivent exercer exercent leur activité avec probité et intégrité et respecter les règles contenues dans un code de déontologie, élaboré par la Haute Autorité en concertation avec les professionnels et la société civile réunis au sein d’un comité consultatif, et prenant en compte la situation propre des différentes catégories de représentants d’intérêts (ainsi que le préconise l’OCDE dans sa recommandation de 2010 sur les Principes pour la transparence et l’intégrité des activités de lobbying).
_ Quel contrôle et quelles sanctions ? Le contrôle doit permettre de vérifier les informations déclarées et le respect des obligations déontologiques sans porter une atteinte trop importante à la liberté d’exercice des représentants d’intérêts et les sanctions doivent être dissuasives (notamment pour les grandes entreprises).
La détermination des AAI et API entrant dans le champ des lois relatives à la transparence de la vie publique
La liste des autorités administratives et publiques indépendantes est un facteur important de sécurité juridique, dans la mesure où elle définit précisément le champ de compétence de la Haute Autorité à l’égard des membres de ces autorités. Plusieurs organismes, aujourd’hui considérés comme des autorités administratives indépendantes au sens des lois du 11 octobre 2013, se trouveraient ainsi exclus de ces obligations.
Au-delà, la question se pose de créer un statut général applicable de manière transversale à toutes les autorités administratives et publiques indépendantes comme le prévoient les propositions de lois relatives aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes adoptées en première lecture par le Sénat et par l’Assemblée nationale. Ce statut général constituerait le support d’un renforcement des règles déontologiques applicables aux membres des autorités administratives indépendantes, en complément des dispositions des lois relatives à la transparence de la vie publique.
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