Lettre internationale de la Haute Autorité – juillet 2021
En juillet, le Parlement européen adopte des résolutions visant à accroitre la transparence au sein de l’institution et à améliorer la lutte contre la corruption. La médiatrice européenne continue ses enquêtes dans les différentes agences et institutions de l’Union. La Commission européenne, quant à elle, fait part de ses inquiétudes sur la corruption ou encore la pression exercée sur les médias et la justice dans certains Etats membres de l’Union à travers la publication de son rapport annuel sur l’Etat de droit.
Dans le reste du monde, la Biélorussie, le Gabon et l’Afrique du Sud condamnent des atteintes à la probité d’anciens hauts représentants de leur pays, tandis que l’Irak annonce officiellement le lancement d’un programme anticorruption.
UNION EUROPÉENNE (UE)
La conférence des présidents du Parlement européen a approuvé, le 1er juillet, un usage plus large des scrutins par appel nominal pour aller dans le sens d’une transparence accrue des votes au Parlement. Cet usage permet de savoir ce que chaque député a voté et ne concernera toutefois que la procédure actuelle de vote à distance mise en place dans le contexte de pandémie. De ce fait, il ne perdurera pas automatiquement une fois que cette dernière sera terminée. (Contexte, 5 juillet 2021)
Le Parlement a adopté, le 7 juillet, une résolution saluant le régime mondial des sanctions de l’Union européenne en matière de droit de l’Homme et a demandé que la corruption soit incluse comme infraction punissable. Ce régime mondial, adopté en 2020, permet de sanctionner des personnes physiques ou morales, étatiques ou non, qui auraient violé les droits de l’Homme. Les sanctions vont de l’interdiction de pénétrer sur le territoire au gel des avoirs dans l’UE. Le Parlement a invité la Commission à présenter une proposition législative visant à étendre le champ d’application du régime mondial des sanctions de l’Union à la corruption. (Parlement européen, 7 juillet 2021, European Parliament, 7 juillet 2021)
La commission des Affaires constitutionnelles du Parlement européen a adopté, le 14 juillet, un rapport non contraignant pour appeler la Commission européenne à proposer un organe éthique européen. Ce scrutin a été marqué par l’opposition du Parti populaire européen (PPE) qui a voté contre le texte. Ce nouvel organisme indépendant pourrait ouvrir des enquêtes sur d’éventuels conflits d’intérêts impliquant les commissaires, eurodéputés et le personnel des institutions participantes. (Parlement européen, 14 juillet 2021, European Parliament, 14 juillet 2021)
La Commission européenne a publié le 20 juillet son rapport annuel sur l’Etat de droit dans l’Union européenne, mettant en lumière de nombreuses évolutions positives notamment pour l’Irlande, la Suède, la Finlande et le Luxembourg dans le domaine de la justice. Cependant, le rapport rappelle que la crise sanitaire a aussi mis sous pression les journalistes et l’équilibre des pouvoirs dans de nombreux pays. Si des pays tels que l’Autriche et la Bulgarie sont mis en cause dans ce rapport, c’est en Pologne et Hongrie que les manquements sont qualifiés de systémiques par la Commission. La Hongrie porterait atteinte à l’indépendance de la justice et des médias et présenterait par ailleurs des faits de corruption dans la passation de marchés publics. La Pologne tenterait quant à elle de réduire l’indépendance de la justice et apporterait de l’aide financière aux médias pro-pouvoir. (Le Figaro, 20 juillet, European Commission, 20 juillet)
La Commission européenne a aussi publié le 20 juillet son rapport annuel sur l’application du code de conduite des commissaires. Le rapport soulève que, durant l’année 2020, 51 décisions autorisant des ex-membres du collège à prendre de nouvelles fonctions ont été adoptées. Parmi ces décisions, 23% concernaient des postes académiques, 17% des emplois dans des ONG, 16% des think tanks, 10% dans le secteur privé et 8% des rôles de consultants. Dans la plupart des cas, ces décisions de compatibilité sont adoptées avec des réserves ou des restrictions. (EU Law Live, 23 juillet 2021, Contexte, 26 juillet 2021)
Emily O’Reilly a demandé à la Commission européenne de lui fournir des détails sur la conservation des échanges, de SMS ou des messageries instantanées, entre ses fonctionnaires et les parties prenantes, avant le 15 novembre 2021. Ces correspondances, en augmentation ces dernières années, ne peuvent faire l’objet de demande d’accès aux documents car le règlement de 2001 applicable distingue selon le support et non le contenu, ce que regrette la médiatrice qui demande depuis plusieurs années un examen de ce règlement. (European Ombudsman, 2 juillet 2021, Contexte, 6 juillet 2021)
Dans le cadre de la vaste enquête menée sur les administrations de l’Union européenne, la Médiatrice européenne conclut que l’Agence européenne de défense (AED) aurait dû interdire la nomination de son ancien directeur général, Jorge Domecq, comme lobbyiste pour le groupe Airbus. Emily O’Reilly recommande que, dans le futur, l’agence interdise à ses dirigeants d’exercer certains postes après la fin de leur mandat, quand cela semble nécessaire et pour une durée de deux ans. (European Ombudsman, 15 juillet, Contexte, 16 juillet)
ZONES GÉOGRAPHIQUES
Viktor Babaryko, principal opposant du Président Alexandre Loukachenko, a été condamné mardi 6 juillet à quatorze ans de prison pour corruption. Il a été condamné pour avoir reçu des pots-de-vin et pour blanchiment d’argent lorsqu’il était à la tête de Belgazprombank, une filiale biélorusse d’une banque russe appartenant au groupe Gazprom. Cette condamnation intervient dans un climat de poursuites contre des opposants, des ONG et journalistes en Biélorussie. (Le Monde, 6 juillet 2021, Euronews 6 juillet 2021)
Depuis le départ de l’ancien Premier ministre, Boïko Borissov, les révélations sur un système de corruption généralisé en Bulgarie se multiplient. Le directeur de l’inspection des finances publiques, Georgi Nachev, mais aussi d’autres hauts fonctionnaires bulgares ne se sont pas présentés au travail depuis le 11 mai, date de l’entrée en fonction du gouvernement intermédiaire. Du fait de l’émergence de nouveaux partis antisystème et anticorruption, le gouvernement du Premier ministre sortant a dû céder le pouvoir pour la première fois depuis 2014. (Libération, 3 juillet 2021, The Jordan Times, 8 juillet 2021)
Le Vatican a annoncé, samedi 3 juillet, le renvoi devant le tribunal pénal de dix personnes, dont Angelo Becciu, impliquées dans l’affaire du financement opaque d’un immeuble de luxe à Londres par l’intermédiaire d’hommes d’affaires italiens. Le cardinal Becciu, qui fut un proche du pape, comparaîtra devant le tribunal à partir du 27 juillet et sera poursuivi pour détournement de fonds, abus de pouvoir et subordination de témoin dans ce dossier. (Le Monde, 4 juillet 2021, France 24, 27 juillet 2021)
Le commissaire à l’éthique, Mario Dion, a demandé plus d’informations au Premier ministre, Justin Trudeau, à propos de contrats conclus entre des députés libéraux et une entreprise dirigée par un ami de longue date du Premier ministre. Cette demande a été réalisée à la suite d’un dépôt de plainte d’un député conservateur alléguant que Justin Trudeau aurait pu favoriser indûment les intérêts financiers de cet ami. Le Premier ministre dispose d’un délai de 30 jours pour répondre, à l’issue duquel Mario Dion décidera de lancer ou non une enquête formelle. (CBC, 14 juillet 2021)
Un organisme de surveillance indépendant et non partisan, The Project On Government Oversight (POGO), a publié un rapport le 8 juillet dans lequel l’ONG propose, parmi d’autres recommandations, de créer un code de conduite des juges de la Cour suprême. Cette proposition intervient dans un contexte où Amy Coney Barrett, juge de cette institution, est accusée de ne pas s’être déportée d’une affaire qui pouvait la placer en situation de conflit d’intérêts. Selon le rapport, un tel code permettrait de renforcer la légitimité de la plus haute juridiction du pays mais aussi d’améliorer l’accessibilité et la transparence de son processus décisionnel, critiqué pour son opacité. (Huffpost, 9 juillet 2021)
Hunter Biden, le fils du Président des Etats-Unis, est au cœur d’une polémique quant à sa reconversion professionnelle en tant qu’artiste peintre. La Maison Blanche a assuré vendredi 24 juillet prendre toutes les précautions déontologiques nécessaires autour des expositions et de la vente des tableaux du fils cadet du Président Joe Biden. Afin d’éviter de potentiels conflits d’intérêts dans la vente de ces tableaux, aucune information sur les acheteurs ou potentiels acheteurs ne sera fournie à Hunter Biden ou à l’administration. Les craintes étant que des industriels investissent des sommes importantes dans ces tableaux pour tenter d’influencer le Président. (The Washington Post, 8 juillet 2021, Ouest France, 24 juillet 2021)
Un décret daté du 5 juillet pris par le défunt Président de la République d’Haïti, Jovenel Moïse, a accordé pleine et entière décharge aux anciens Premiers ministres et ministres ayant servi la République entre le 7 février 1991 et le 7 février 2017 et ayant un avis favorable de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif. L’opposition dénonce un acte traduisant une violation flagrante de la Constitution, du principe de séparation des pouvoirs et une tentative de banalisation de la corruption dans ce pays. (Gazette Haïti, 5 juillet 2021, Newswep, 5 juillet 2021)
L’ancien président, Jacob Zuma, a été incarcéré jeudi 8 juillet du fait de sa condamnation intervenue fin juin pour avoir, à de multiples reprises, refusé de témoigner devant une commission enquêtant sur la corruption sous sa présidence. Cette incarcération a servi de détonateur à de nombreuses violences dans tout le pays. Par la suite, la justice sud-africaine a accepté, mardi 20 juillet, d’ajourner pour trois semaines le procès de l’ancien président poursuivi pour corruption, fraude, racket et blanchiment d’argent. (La Tribune, 20 juillet 2021, BBC, 11 juillet 2021)
L’ancien Ministre de l’Economie a été jugé, le 2 juillet, par la Cour criminelle spéciale et a été condamné à six ans de prison dont cinq avec sursis pour détournement de fonds publics, d’un montant d’un milliard de francs CFA. Il avait été mis aux arrêts en 2019 et placé en liberté provisoire dans le cadre d’une opération anticorruption qui le poursuivait pour de nombreux délits. (Gabon Review, 4 juillet 2021)
L’ONG Human Rights Watch a publié le 20 juillet 2021 un rapport intitulé, « Nous sommes tous vulnérables ici : Le programme de transfert monétaire kényan en réponse à la pandémie entaché par des irrégularités », révélant qu’une seule petite portion des familles vulnérables de Nairobi avait bénéficié du programme, marqué par un manque de transparence et des soupçons de népotisme selon l’ONG. Celle-ci regrette que le programme n’indique clairement ni les critères d’admissibilité, ni comment les bénéficiaires sont identifiés, ni pourquoi des milliers de ménages répondant aux critères restent exclus. (Human Rights Watch, 20 juillet 2021)
Un rapport d’une commission indépendante du Congrès pour l’Afghanistan chiffre à 837 milliards de dollars les sommes dépensées par les Etats-Unis pour le conflit et la reconstruction dans le pays. La corruption atteint son plus haut niveau et aurait été en partie alimentée par les milliards injectés par les Etats-Unis dans la reconstruction afghane, qui n’auraient que partiellement atteint leurs cibles. (TV5 Monde, 3 juillet 2021, Bloomberg, 29 juillet 2021)
L’Irak vient d’adopter sa stratégie nationale de lutte contre la corruption, proposée par la Commission de l’intégrité publique, et concrétise le lancement officiel d’une vaste campagne de lutte anticorruption débutée en août dernier. Ce plan, qui a vocation à s’étendre de 2021 à 2024, est porteur d’espoirs, dans un pays connu pour être l’un des plus corrompus du monde selon les données de l’ONG Transparency International. (La diplomatie, 12 juillet 2021)
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