Pourquoi encadrer le lobbying ?
Le lobbying est une activité légitime en démocratie qui permet aux groupes d’intérêts et à la société civile de proposer leurs points de vue aux responsables publics. Cela participe à une prise de décision plus informée. Cependant, pour éviter des monopoles d’influence, et s’assurer que l’accès au décideur public demeure équitable et que les pratiques de lobbying ne soient pas abusives, un encadrement est nécessaire. Autrement, la confiance des citoyens dans la décision publique s’érode, comme le montrent les travaux de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
La régulation du lobbying permet de révéler comment se construit la décision publique, de retracer les interlocuteurs des responsables publics et les montants financiers engagés pour influer sur la décision publique. La multiplication récente des registres de transparence à travers le monde concrétise cette évolution vers une plus grande culture de transparence.
Qu’en est-il en France et en Irlande ?
En France, les obligations déclaratives en matière de lobbying ne pèsent que sur les représentants d’intérêts. Les responsables publics sont toutefois contrôlés s’ils souhaitent rejoindre le secteur privé dans les trois ans après leur fonction. La Haute Autorité s’assure notamment qu’ils n’aient pas préparé leur reconversion professionnelle et favorisé certains groupes d’intérêts pendant leur fonction.
En Irlande, les obligations déclaratives concernant le lobbying ne pèsent pas non plus sur les responsables publics, mais uniquement sur les représentants d’intérêts. Toutefois, un délai de carence d’un an existe pendant lequel les anciens titulaires de certaines charges publiques ne peuvent pas exercer d’activité de lobbying.
Tableau extrait de l’étude comparative des dispositifs d’encadrement du lobbying à travers le monde publiée par la Haute Autorité.
Comment former les représentants d’intérêts à leurs obligations?
Les législations et les codes de conduite sur le lobbying impliquent de nouveaux automatismes tant pour les responsables publics que pour les représentants d’intérêts. Tout dispositif d’encadrement de la représentation d’intérêts requiert donc un accompagnement des parties prenantes.
Les représentants d’intérêts ont besoin de formation sur leurs obligations déclaratives et déontologiques. Les autorités publiques d’encadrement sont les mieux à même de former les populations qu’elles contrôlent, en contrepartie des informations qu’elles leur demandent. Cela permet d’anticiper et d’éviter des défauts de déclaration, qui pourraient avoir des conséquences plus lourdes par la suite pour les représentants d’intérêts.
La pédagogie et la communication autour du dispositif d’encadrement constituent ainsi un prérequis pour les autorités publiques, avant même qu’elles ne débutent leurs contrôles. Tant l’Irlande que la France ont ainsi d’abord fait preuve de pédagogie avant de contrôler les représentants d’intérêts, sur pièces ou sur place. A titre d’exemple, la Haute Autorité fournit un service téléphonique pour guider les représentants d’intérêts dans leurs déclarations et organise des sessions d’informations régulières.
Quels outils peuvent utiliser les régulateurs pour faire respecter l’encadrement du lobbying ?
Le législateur a parfois octroyé des pouvoirs de sanction aux régulateurs, gages de leur crédibilité. Les pouvoirs de sanction permettent aux autorités chargées d’encadrer la représentation d’intérêts d’imposer certaines pratiques aux acteurs du secteur. Il s’avère complexe de réguler l’action d’influence en raison des multiples modalités par laquelle elle peut s’exercer. Face à cette réalité, il est utile pour le régulateur d’avoir la possibilité de recourir à des mesures diversifiées, adaptées à la gravité du manquement.
De quels pouvoirs disposent la France et l’Irlande pour réguler le lobbying ?
En Irlande, le SIPO a la possibilité de prononcer directement des sanctions administratives, sous la forme d’amende de 200 euros en cas de retard de déclaration des représentants d’intérêts. Pour les cas les plus graves, les amendes peuvent atteindre 250 000 euros assorties de peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à deux ans. La première condamnation a eu lieu en 2019, pour absence de déclaration auprès du SIPO des personnes et des sujets faisant l’objet de représentation d’intérêts. L’entreprise a été condamnée à une amende de 1250 euros. En 2020, le SIPO a conduit 10 enquêtes pour défaut de déclaration d’activités de lobbying ou d’inscription de représentant d’intérêts au registre.
En France, la Haute Autorité peut mettre en demeure un représentant d’intérêts qui ne se conformerait pas à ses obligations. Elle l’a d’ailleurs fait récemment pour une entreprise qui ne s’était pas inscrite au répertoire des représentants d’intérêts et a publié la délibération sur son site internet. Par ailleurs, le défaut de déclaration d’un représentant d’intérêts ou la méconnaissance de ses obligations déontologiques est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Tableau extrait de l’étude comparative des dispositifs d’encadrement du lobbying à travers le monde publiée par la Haute Autorité.